Le Quartier Résidentiel

[Ermite des vagues]

Loin d'être déconfit par la réponse si directe de Lyanna, le chef de guerre se mit à sourire.

-Ton insolence te perdra un jour, mais au moins, on ne peut pas dire que tu manques de caractère !

Yorko Kharstak n'avait pas loupé le regard d'Amarok sur le parchemin, mais il poursuivit sans rien dire à ce sujet pour l'instant, son regard fixé sur Lyanna :

-Je ne te laisse pas le choix, tu iras. Je suis certain que tu comptais y aller de toute façon.

Un éclat passa dans son regard. Yorko paraissait être au courant de quelque chose, à moins qu'il ne bluffe. Ce qui était le cas à vrai dire, mais ça, la demoiselle ne pouvait le savoir. Et comme pour appuyer ses soupçons, il regarda de nouveau le poignard de Lyanna. Il avait bien sentit qu'elle était troublée, lorsqu'il lui avait parlé de sa collection d'armes, et plus particulièrement de ce vieux poignard. Il faudrait qu'il creuse la question à ce sujet. Les archives du Pôle Nord l'aideraient sûrement.

Il se tourna alors vers Amarok :

-Quant à vous jeune homme, j'ai l'impression que nous allons avoir un petit soucis, par la faute de votre amie. Vais-je devoir vous jeter dans un cachot, ou même vous tuer, pour que vous teniez votre langue ?

La menace était lancée.

[Gwlaglus]

Lyanna allait sortir de ses gongs ; oui, elle ne voulait pas s'incliner devant lui et lui obéir aussi facilement ; seulement, voilà qu'il se mettait à menacer Amarok maintenant. D'ailleurs, en y réfléchissant bien, peut-être le chef de guerre agissait ainsi, pour la faire plier malgré elle ? Rien que cette idée lui donnait envie de sortir son sabre et d'embrocher Kharstak.

Rah...je vous déteste.

Elle poussa un long soupir d'exaspération.

-Pourquoi vous autres militaires êtes-vous si extrêmes ?, fit-elle, son regard braqué sur le chef de guerre.

Un autre long soupir.

-Ok. Soit. Je viens, vous avez gagné. Heureux ?

Elle marqua un temps d'arrêt avant de poursuivre.

-Mais ne vous avisez pas de le toucher !

Eh oui, elle aussi, elle savait lancer des menaces !

Son regard s'arrêta alors brièvement sur son élève. Une idée avait germé dans son esprit, et elle ignorait si elle lui plairait.

-Puisque par ma faute, ahum, il est au courant de cette mission top secrète, pourquoi ne viendrait-il pas avec nous ? Il pourrait se rendre utile, après tout, il a participé au sauvetage de la princesse, hein, Amarok ?

[Daisuke]

-52-

Pendant que le chef de guerre et Lyanna s'aboient mutuellement dessus, le pêcheur parcourt "l'ordre de mission".

Je me demande bien pourquoi elle refuse d'y aller...bon elle n'aime sûrement pas jouer les nounous mais tout de même ! C'est une occasion en or !

A bien y réfléchir, il se demande si ce refus n'est pas uniquement de la provocation envers ce militaire et tout ce qu'il incarne.
Elle doit avoir un sérieux problème avec tout ça c'est sûr. Mais il n'appartient pas à Amarok de le solutionner.
Après tout, ils se connaissent à peine, et la jeune femme a bien le droit de vivre et penser comme elle le souhaite.
Enfin ça, c'est ce qu'il pense avant que Kharstak se tourne vers lui et menace de l'enfermer ou de le tuer à cause du tempérament de feu de Lyanna.

Qu...quoi ?!?

Il se recule et vire au blanc neige, l'air dans la pièce s'est subitement raréfié. Etrange comme dans ce genre de situation il devient impossible d'aligner une pensée cohérente.
Le vide est comblé par Lyanna, qui cache son exaspération derrière une série de soupirs voilés de menaces. Curieusement, le fait qu'elle prenne sa défense de façon aussi virulente l'émeu.
Bien sûr, il ne s'attendait pas à ce qu'elle laisse le chef de guerre le tuer sur place sans broncher mais tout de même, il se sent flatté qu'elle veuille le protéger.

Le sauvet...ah ! Oui j'étais aussi là.

Il se garde bien de mentionner que ses exploits de la soirée se sont bornés à remettre l'épaule de papy glaçons et à s'angoisser quant aux entreprises douteuses de Lyanna et Magena.
Et puis, son instinct lui dicte qu'en ce moment il a intérêt à vendre ses talents s'il veut échapper à la colère du chef de guerre.
Cette idée lui permet de reprendre son aplomb et de faire face fièrement malgré l'épée de Damoclès au-dessus de sa tête.

Je ne suis pas un soldat, je sais à peine me battre et tenir une épée mais je sais tenir ma langue.
Je ne suis qu'un pêcheur qui ne connait rien à toutes vos histoires de politique, mais si votre solution à chaque problème c'est de trucider ceux qui vous font face, je comprends pourquoi Lyanna refuse de rejoindre l'armée.

Quitte à devoir subir la colère de Kharstak, autant que ce soit pour une raison justifiée. Il ne va pas se laisser marcher dessus comme ça sans réagir !

[Ermite des vagues]

Un sourire naquit à la commissure des lèvres de Kharstark. Enfin, elle capitulait. Mais pas à cause de ce qu'il lui avait dit, mais parce qu'il avait menacé ce jeune homme. Et le chef de guerre trouvait cela plutôt intéressant. Il y avait quand même une forme de loyauté dans cette jeune femme déroutante. Qui n'hésita alors pas à le menacer. Et il ne fallait pas être un idiot pour comprendre qu'elle était à cran, et qu'elle n'attendait plus qu'un prétexte pour user de sa lame.

J'espère qu'elle sera plus calme là bas..., songea t-il, sans pour autant regretter de l'avoir incluse dans son plan. Il la ferait surveiller de toute façon, et si quelque chose tournait mal par sa faute, elle en payerait le prix. Une chose qu'il essayerait de faire rentrer dans sa cervelle d'insolente pendant le temps qu'il restait jusqu'à ce qu'ils débarquent tous à Hosho.

Par contre, il ne pouvait nier son intelligence. Elle avait su tirer profit de l'erreur qu'elle avait commisse en laissant l'ordre de mission à vue. C'était plutôt osé malgré tout. Mais si le chef de guerre, au début, allait refuser net de permettre à cet Amarok de venir aussi, ce dernier se révéla plutôt convainquant.

Il a du cran ce petit...mais que vaut-il vraiment ?

Il se dirigea alors vers la porte, et l'ouvrit. Il ne se retourna même pas vers eux.

-Vous viendrez tous deux à la caserne demain. Et c'est un ordre !

Il avait dans l'idée de leur donner un entrainement intensif jusqu'au départ, même s'il ne comptait pas trop sur le pêcheur. En fait, il voulait surtout le surveiller.

Et il quitta enfin la maison de Lyanna.

[Gwlaglus]

Aussitôt que la porte se referma, cette dernière se retrouva avec une nouvelle décoration. Le vieux poignard de Lyanna.

Avec toute la tension accumulée lors de la visite du chef de guerre, c'était ce qu'elle avait trouvé de mieux à faire, pour se défouler. Et visiblement, ce geste paraissait avoir porté ses fruits. Même si au regard qu'elle lança à la porte, quand elle saisit entre ses doigts la garde ouvragée du poignard, on voyait bien qu'elle aurait bien aimé qu'à la place de la porte, ce soit la tête de Kharstak.

-Il a vraiment le don de m'énerver celui-là.

Elle se détourna de la porte, et en voyant Amarok, elle se souvint qu'elle n'était pas seule. Elle prit un air un peu navrée. Surtout qu'à cause d'elle, il se retrouvait impliqué dans une sacrée histoire.

-Désolée, fit-elle tout en le regardant à peine, J'espère que tu n'avais rien de prévu pour les prochains jours.

Pour le coup, elle se sentait un peu pessimiste. Et ne voyait pas vraiment les bons côtés que pouvaient avoir cet aventure. Et pourtant, Yorko Kharstark avait eu raison sur un point : elle avait envie d'aller là bas.

[Daisuke]

-53-

Apparemment le monologue du pêcheur suffit à lui sauver la mise car le chef de guerre tourne les talons, non sans lancer une dernière sentence avant de passer le seuil.
Amarok reprend son souffle mais sursaute bien vite en entendant le claquement sonore du poignard qui se plante dans la porte.

Et si il était parti deux secondes plus tôt...

Bien décidé à voir le côté positif de l'affaire pour le moment, il laisse bien vite de côté cette question épineuse.
L'idée de tout ce qu'implique la réponse de Kharstak fait petit à petit son chemin dans sa tête.
Il va accompagner les officiels du Pôle Nord à la fête de Hosho, dans la Nation du Feu ! Une occasion en or d'enfin voyager et découvrir autre chose que la banquise !
Il affiche un grand sourire béat qui répond passablement bien à l'inquiétude de Lyanna.
Malgré tout, il se doute bien qu'il devrait se sentir un minimum concerné par le fait que la jeune femme semble viscéralement détester cette mission, après tout, elle est son professeur maintenant.
Il hésite à lui en demander les raisons, craignant de subir son légendaire courroux, puis finit par se décider qu'il peut au moins essayer de lui faire retrouver le sourire et se lance :

Ca va ? Ce n'est pas si grave que ça hein, après tout, c'est un beau voyage ! On va visiter la Nation du Feu ! Et puis...ton ami le garde sera sûrement de la partie.

Oui, il a remarqué que les objets que la jeune femme semble affectionner tout particulièrement font très Nation du Feu,et mise là dessus pour lui donner une raison de se réjouir.

[Gwlaglus]

Si Lyanna, tout à son pessimiste, paraissait presque bouder, elle eut un petit sourire face à l'enthousiasme du jeune homme. Mais elle ne lui répondit pas tout de suite, parce qu'en fait, elle ignorait comment lui présenter les choses, sans devoir aller trop loin dans les explications. Songeuse, elle alla vers la petite cuisine, où elle commença à faire chauffer de l'eau pour du thé. L'envie ne lui manquait pas de sortir quelque chose de bien plus corsé, et pourtant, par égard pour son invité, elle n'en fit rien.

Elle revint vers lui, avec deux tasses, encore vides pour l'instant, et rompit enfin son silence :

-Mon comportement a du bien te surprendre. En fait, ce n'est pas que je n'apprécie pas spécialement notre chef de guerre, je ne l'aurais pas tué, si ça peut te rassurer, c'est juste que je déteste qu'on m'impose des choses. Encore plus quand ces choses ont un rapport avec Kenaï Hakan. Et être en quelque sorte sa garde du corps pendant le temps que dureront les cérémonies sur Hosho, c'est beaucoup me demander.

Elle s'installa alors sur l'un des fauteuils, et poursuivit :

-Je devrais en être honorée pourtant. Mes parents sauteraient de joie s'ils le savaient..., fit-elle, frisonnant un peu en les évoquant, puis, alors qu'elle songeait au fait qu'elle allait pour la première fois quitter ces terres glacées, l'enthousiasme du pêcheur finit par l'atteindre.

-Mais bon, tu as raison, ce sera sans doute un beau voyage. Et Hosho, et la Nation du Feu, j'ai toujours voulu y aller. Peut-être pourrais-je rencontrer des personnes de la famille de mon grand-père ? fit-elle, presque pour elle-même.

Elle aurait voulu faire ce voyage avec lui, mais le destin lui jouait encore un tour. Lorsqu'elle avait entendu parler de la fête sur Hosho, elle en avait discuté avec son grand père, mais pour le coup, il n'avait pas été plus loquace que ça, lui répondant qu'il avait bien envie d'y aller, mais qu'il devait y réfléchir. Lyanna n'avait pas voulu en savoir plus, son grand père lui apparaissait plus fatigué ces derniers temps, et elle était repartie chez elle.

Elle se leva, encore perdue dans ses pensées, pour chercher la théière, l'eau étant maintenant à bonne température. Elle y avait ajouté des feuilles de thé noir. Revenant vers Daisuke, et en lui servant du thé, elle rebondit sur ce qu'il lui avait dit. Le tout en souriant.

-Et oui, je pense bien qu'Azaruk sera de la partie aussi. Mais le connaissant, il aura tellement à cœur la protection de la famille royale, qu'il ne s'amusera pas du tout, le pauvre !

Lyanna non plus n'allait peut-être pas s'amuser là bas, mais il fallait mieux qu'elle n'y pense pas trop.

[Daisuke]

-54-

Amarok regarde Lyanna partir puis revenir avec deux tasses. Il sourit, s'installe en face d'elle et est quand même légèrement surpris qu'elle se mette à parler. Du moins à parler autant.
Comment ça il s'attendait à ce qu'elle l'envoie promener ? Pas du tout voyons !

...

Hum. Bien décidé à ne pas rompre cet instant magique, il l'écoute attentivement sans faire le moindre commentaire. Du moins pas à voix haute.

C'est le prince donc...

Le pêcheur, très terre-à-terre, ne peut bien s'en sûr qu'en déduire une seule chose.

Elle est sortie avec et ça a fini en rateau monumental ?

Mais déjà, quelque chose d'autre de très intéressant semble se passer. Non pas que les hypothétiques déboires amoureux de la demoiselle ne l'intéressent pas...mais tant qu'ils ne menacent plus sa vie, ce ne sont pas ses oignons.
Allez savoir pourquoi mais l'évocation de ses parents la met dans un de ces états...
Pour le coup, il la comprend, on ne peut pas dire que sa relation avec les siens soit meilleure. Il compatit silencieusement avec elle et a un léger pincement au coeur en songeant à sa mère qui doit probablement se demander où il reste.
Ca fait combien de temps qu'il est parti sans rien dire, en laissant tout en plan ? Sur un léger haussement d'épaule, il remise ces questions inutiles à leur place, loin de son esprit. Il n'ira nulle part en se retournant tous les deux pas.

Au moins, Lyanna semble enfin reprendre du poil de la bête et trouver un côté positif à toute cette histoire. Comme quoi, même un vulgaire pêcheur peut parfois être utile.
Il fait une légère grimace en entendant le commentaire sur Azaruk mais ne dit rien.
Lyanna a l'air assez perturbée, le pêcheur ne serait pas étonné que cette propention incroyable qu'elle a à s'attirer les foudres des autorités cache quelque chose et il semblerait que le garde soit le seul à s'être lié à elle.
Amarok ne peut qu'espérer qu'il trouvera un peu de temps à lui accorder entre ses devoirs de nounou royale à Hosho.

Sur un soupir discret, il déguste son thé noir. Le remède parfait à cette après-midi de dingue.

Un entrainement à l'épée avec Lyanna, des menaces de mort, et un voyage tous frais payés pour Hosho. Quand on fait la moyenne, cette journée n'est pas si terrible.

Une fois la tasse dûment vidée et la dernière goutte savourée, il brise le silence quasi religieux qui s'était abattu.

Merci pour la journée. Surtout pour les leçons...et un peu le reste aussi.

...

Si je ne suis pas un cas trop désespéré, j'espère que tu voudras bien encore essayer de m'apprendre à me battre.
Il vaudrait mieux que j'aille jusqu'à l'auberge chercher une chambre avant qu'il ne soit trop tard comme la dernière fois !

[Gwlaglus]

Après le « déluge » de paroles dont elle avait fait preuve, le silence s'était installé, Amarok buvant tranquillement le thé qu'elle avait servi. Elle l'imita, et prit la tasse. Sa chaleur bienvenue et bienveillante se diffusa en elle, achevant de l'apaiser, et elle but une première gorgée de thé. Il n'était pas brûlant, juste à bonne température. Et, même s'il n'était pas aussi bon que ce que pouvait préparer son grand père, ce thé était plus que buvable.

Mis à part l'alcool en tout genre, Lyanna buvait des quantités et quantités de thé. Et elle se rappelait très bien, non pas la première fois qu'elle y avait goûté, mais la première fois où elle avait aimé ça. C'était lors de sa « fugue ». Quand son grand père, Hayao Yoshida, et son oncle Rytok l'avaient finalement retrouvée dans la Périphérie, inconsciente et glacée, et qu'ils l'avaient ensuite ramené chez ses parents, la première chose dont elle se souvenait après avoir ouvert les yeux, était son grand père qui lui tendait une tasse de thé. Il l'avait forcé à la boire, et la chaleur du thé l'avait plus réchauffé et réconforté que les couvertures en peau dont sa mère l'avait couverte. Bien sûr, le thé ne l'avait pas empêché de tomber malade par la suite. Mais cette tasse de thé restait pour elle un bon souvenir.

Lorsqu'elle quitta ses pensées pour revenir au temps présent, et à son invité, elle en souriait encore. Elle porta son regard sur Amarok, elle n'était apparemment pas la seule à avoir profiter du silence pour songer à quelque chose. Si bien qu'aucun mot ne quitta leur bouche le temps qu'ils boivent leur thé. Mais Amarok finit par reposer la tasse, et commença à prendre congé d'elle, tout en la remerciant. Il était vrai qu'il commençait à se faire tard, et qu'il n'était plus question qu'ils s'entraînent encore aujourd'hui, surtout après l'épisode "chef de guerre". Mais au moins, le jeune homme paraissait toujours autant motivé, et ça, ça lui plaisait pas mal à Lyanna.

-Je ne sais pas ce que va nous concocter le chef de guerre, mais on trouvera bien quelques moments de temps libres pour que je puisse continuer à te donner quelques leçons. Que ce soit avant notre départ, ou même sur le bateau, ça nous occupera.

Et si ça pouvait m'éviter de ne pas me coltiner tout le temps Kenaï, ce serait pas mal aussi.

-Mais ne me remercies pas encore, c'est trop tôt. Même si tu es un élève prometteur, mon premier élève d'ailleurs ! (Oui, elle ne comptait pas Azaruk comme ayant été son élève, ça va de soit). Si un jour mes leçons peuvent te sauver la vie, ce sera là un parfait remerciement.

Bien sûr, elle ne souhaitait pas qu'Amarok se retrouve face à un quelconque danger. Puis, il parla de l'auberge, et le front de Lyanna se plissa.

-Si tu vas dormir à la Rose des Glaces, dis à Sun Weï que tu viens de ma part, elle te fera peut-être une réduction. A moins qu'elle ne décides de s'en prendre à toi. J'ai déjà loupé quelques jours de boulot, et si elle ne me vire pas quand elle apprendra que je vais à Hosho, j'aurais de la chance !

Puis, après lui avoir dit de ne pas oublier de venir à la caserne demain, elle le laissa enfin partir.

Hosho nous voilà !

[Shan]

J'ai toujours aimé l'ambiance du quartier résidentiel, j'ai laissé la boutique à mon assistante pour aller déposer quelques prospectus à gauche et à droite, histoire d'avoir du monde à la boutique. La fin de ce mois risque d'être difficile puisque mon épouse ne travaille pas en ce moment et que je n'ai pas beaucoup de clients. Il faut payer la nourriture, le loyer, les tissus et le matériel et je dois remplacer la machine à coudre qui commence à se faire vieille. On pourrait croire que ce n'est rien et pourtant ça nous paraît énorme à ma femme et moi.

Mon ventre gargouille et je grimace en me disant que ce n'est pas ce qu'il y a de plus engageant pour mes clients alors je sors un morceau de pain de ma poche et la retourne pour la secouer et récupérer quelques miettes que j'enfourne. J'ai à peine croquer dans mon pain que j'ai déjà l'impression d'avoir un peu moins faim et je le termine pour pouvoir continuer à déposer mes papiers.

Je soupire et me dit qu'il faut de toute façon déposer ces papiers, ils ne se déplaceront pas tous seuls. J'avance et fini par me retrouver à court de dépliant, ce qui devait arriver à un moment ou un autre. Je secoue la tête en me disant qu'avec un peu de chance, je finirais par voir un client régulier avec qui discuter ou que je pourrais trouver un moyen de parler avec quelqu'un pour tenter de me faire une nouvelle clientèle. Un militaire serait une aubaine pour moi qui souhaite fournir l'armée, mais ce genre de petit rêve doit se construire au fil du temps et non en quelques minutes de conversation.

- Aller Shan. Il est temps de rentrer...

Je rebrousse chemin, gardant le maigre espoir de tout de même croiser quelqu'un plutôt que de rester seul. Je n'aime pas particulièrement la solitude, mais emmener ma petite princesse est impensable. Je préfère qu'elle reste chez ses grands-parents où elle commence à apprendre à lire plutôt que de courir les rues avec son père qui n'a qu'un bout de pain pour se nourrir. Heureusement, sa mère et moi sommes assez forts pour nous priver qu'elle puisse manger à sa faim et puis mon père nous apporte du poisson parfois.

Je n'aime pas vraiment ça, mais quand nous avons de grosses dépenses comme ça va être le cas, cette nourriture offerte a bien meilleur goût. Ma petite Birei adore le poisson qui plus est et j'aime tant lui faire plaisir. J'ai souvent songer à devenir pêcheur, mais je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il faut faire pour le devenir et je n'ai pas vraiment envie de me lancer dans un commerce qui ne me rapportera rien. Je pourrais peut-être songé à rapiécer les filets de pêcheur contre un poisson ou deux, cela pourrait être une solution intéressante à envisager malgré tout.