Il attrape son visage entre ses mains tremblantes après avoir tiré la couverture sur lui, les dents serrées si bien qu'il en a mal à la mâchoire. La séance comment... Les questions se font plus vivaces, elles ne se laissent plus chasser, l'absence d'alcool se fait douloureuse et rappelle qu'il n'a plus les moyens de s'offrir ce qu'il désire sans compter. "Était-ce le bon choix?", celle là est celle qui fait le plus mal, il doit mettre ça au clair sinon il va devenir fou, il doit y croire, il n'y a pas d'autres possibilités.
Il ne peut plus faire demi-tour, le masque qu'il a enfilé une fois ne se retirera pas avant sa mort, lorsqu'il a accepté de prendre part a tout cela, il a accepté de ne jamais pouvoir faire demi-tour aussi. Il se recroqueville un peu sur lui-même, l'odeur de brûlé est encore gravée en sa mémoire, les cris, les appels a l'aide, l'horreur... Tout ça n'était rien de ce qu'il avait imaginé, il savait qu'il serait du mauvais coté de la barrière, mais a ce point là? Si seulement il était resté chez lui, si seulement il n'avait pas vu...
Il inspire un grand coup, il réalise qu'il ne respire plus depuis une bonne minute. Ses idéaux. Il doit penser a ses idéaux. Ils sont bons, ils sont pures, il doit s'y accrocher. Lorsque les conséquences de cette nuit maudite feront surface, tout reviendra a la normale. Ils ont avancé après tout, il doit s'en persuader. Oui... C'est pour sa nation, c'est pour le mieux, la fin justifie les moyens. La fin justifie les moyens...
- La fin justifie les moyens, tout va bien, c'était la bonne chose a faire. La fin est pure... L'objectif est le bon... Il n'y avait pas d'autre méthode.
Il croit moins cette dernière affirmation mais il a tout de même besoin de prononcer ces mots, ils seront plus faciles à croire si il les entends.
- Je n'ai pas fait fausse route !
Il crie ces mots dans son oreiller pour tenter de les étouffer. Il n'arrivera pas a dormir, il le sait, en temps normal c'est déjà bien assez difficile, alors sans personne a ses cotés ou une bouteille pour palier, c'est peine perdue. Il doit se persuader d'avoir raison et se vider un peu l'esprit, les autres soucis, entre autre financiers, attendront bien le lendemain pour trouver une résolution. Si il ne règle pas ce dilemme intérieur avant le reste, il sombrera un peu plus profondément.
Il trouve finalement la force de quitter son lit et se tenir sur ses deux jambes au centre de la pièce, l'espace est réduit, mais il y autre chose qu'il doit accomplir et qui pourrait bien l'aider a se vider la tête un peu. Il enchaîne les quelques mouvements dont il est capable de se souvenir du dojo, sans tenter d'y ajouter sa maîtrise, a quoi bon dans un état aussi instable? Une maîtrise doit être usée avec l'esprit clair. Mais il doit ré-apprendre ces mouvements, les refaire siens, il ne veut plus se sentir autant a la merci de quelqu'un que lors de cette fichue émeute.
Il s'entraînera jusqu'à ce que son corps n'en puisse plus, entre l'épuisement mental, physique et la faim qui lui tenaille les tripes sans qu'il ne puisse se donner envie de manger, qu'importe le nombre de fois qu'il n'arrivera pas a retenir les larmes qui lui brûlent la gorge et puis les yeux, il ne doit pas s'arrêter. Il doit avancer. Juste assez pour que le temps lui donne raison, pour que les conséquences de ces horreurs montrent le bout de leur nez. Il doit avancer, jusqu'à ce que sa nation puisse se tenir droite et fière une nouvelle fois. Il n'a pas le droit de tomber, il n'a pas le luxe de douter, le doute n'entraînera rien de bon.