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Amarok s'autorise un petit mais intense moment de satisfaction intérieure quand le professeur s'arrête. Moment qui se retrouve très vite douché par les phrases suivantes du vieil homme.
Quand Ghan s'éloigne, le pêcheur reste planté là quelques secondes, interdit, avec son papier plié en main.
Il était vraiment fâché alors...
Il n'insiste plus, ayant fait tout son possible pour tenter d'obtenir des informations. Il ne lui reste plus qu'à consulter le message on dirait.
Que... ?
C'est moi ou la température vient de subitement chuter de plusieurs degrés ? Le pêcheur fronce les sourcils et relis ces sept mots encore et encore.
Puis, il lance quelques coups d'œils circonspects autour de lui, guettant...quoi au juste ? Toute cette histoire commence à sentir méchamment le pâté si vous voulez mon avis.
D'abord Menh Del qui disparaît, maintenant ça... De toute évidence il y a quelqu'un qui n'a vraiment pas envie d'entendre parler de ces recherches.
D'un coup, l'attitude de Ghan peut s'expliquer en un mot : peur. Qui ne se mettrait pas à baliser en sachant qu'un collègue s'est fait enlever (ou tuer ?) pour avoir travaillé sur le mauvais sujet ?
Donc...Ghan sait quelque chose. Ou du moins a-t-il des soupçons, sinon il ne donnerait pas ce genre de mise en garde.
Peut-être a-t-il été menacé à son tour après avoir repris le poste de Menh Del ? Enfin...ce n'est pas ça qui fera réapparaître Menh Del ou me fera avancer.
Tout en cogitant, Amarok s'éloigne du guichet et se met à marcher lentement vers la sortie. Dehors, le ciel arbore une superbe couleur gris foncé-bleu et les nuages sont lourds et menaçants.
La seule et unique piste qu'Amarok a dénichée lui a seulement appris avec certitude que suivre ce chemin risque de lui attirer des ennuis. Beaucoup d'ennuis.
Avant de se perdre en conjectures pour trouver qui/comment/pourquoi et rejoindre officiellement le club des paranos de la conspiration, il lui faut répondre à une question existentielle :
Et maintenant ?
Je sais à peine tenir une arme. Le premier maître venu me refait le portrait en gardant une main dans le dos et en se curant le nez avec l'autre.
Je suis dans une Nation où je n'ai jamais mis les pieds et qui semble n'attendre qu'une étincelle pour exploser et se mettre en guerre contre ceux des pôles.
Et par dessus le marché, le seul sujet que je trouve intéressant, presque par hasard en fouillant dans la bibliothèque, se trouve être un genre de "secret d'état" rempli de disparitions mystérieuses et autres menaces de mort.
Il y a encore peu de temps de cela, sa seule et unique préoccupation était de ne pas trouer les filets en les halant. Puis sont arrivés Hosho et les tensions presque palpables entre fils du feu et de l'eau. Et maintenant....ça.
Faut-il s'entêter à poursuivre cette espèce de piste farfelue qu'il a eue sur un coup de tête en plein milieu de la nuit ? Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ?
Et au fond...même dans l'hypothèse où il se déciderait à jouer les suicidaires et à quand même continuer à chercher des infos, il se retrouve sans aucune piste à suivre.
A moins de...
A moins de m'introduire dans les archives de l'académie peut-être ?
*Schbaf !*
Ça, c'est le bruit de la claque qu'il vient de se mettre sur la tête.
Mais qu'est-ce qui me prend tout à coup ?!?!? Voilà que j'envisage non seulement de me jeter dans la gueule du loup en étant pleinement conscient du danger, mais en plus de jouer les cambrioleurs ?
Faut croire que le fait de se prendre des cailloux et un mur dans la tronche a eu plus de conséquences que prévu sur sa santé mentale.
De toute façon, si c'est bien un genre de complot, les documents auront aussi été supprimés des archives...
*Re-Schbaf !*
Aïe...
Se frottant la tête, il finit par diriger ses pas vers le seul truc qui lui vienne à l'esprit et qui ne soit pas totalement irresponsable : le lieu du discours du seigneur du feu.
En faisant un pit-stop pour trouver un truc à manger, accessoirement. Parce que les émotions ça creuse et qu'il a passé les trois-quarts de son temps dans la bibliothèque au point de zapper ce besoin essentiel.