par Krasghârn » Sam 22 Juin 2019 20:05
Bon, l'heure était aux plans. Il fallait garder la tête froide, et établir une timeline des opérations à venir. Faire le mort et temporiser ? Attendre, passivement, une ouverture qui ne se présenterait sans doute jamais ? Ce n'était pas le genre de Fian.
Dans son fauteuil, Fian réfléchissait.
Il disposait de 22 bras. Ses trois lieutenants et sept sous-fifres étaient dans la pièce.
-Vous êtes des maîtres, vous ?
Après avoir eu l'inventaire des bendings présents, il continuera.
-Dans tous les cas, vous allez vouloir vous équiper. On va sortir, probablement pour tuer. Ma, Sina, Siraak, venez.
Je leur fis signe de me suivre à la seule table de la planque, nous discuterions du plan à l'écart tandis que les subordonnés seraient en train de choisir leurs armes. Après tout, ils étaient venu ce matin pour une bataille rangée, ils avaient sûrement tout ce qu'ils voulaient sous la main.
-Les gars qu'il a en otage, c'est des gars à nous. Contrairement à lui, nous, on laisse pas les nôtres derrière. Ils ont décidé de bosser pour nous, on les laisse pas tomber.
Mais on va être d'accord, on va pas pouvoir les prendre à onze contre vingt, trente, quarante ? Mais si l'autre sac à merde est là, on va pouvoir négocier. Le problème, c'qu'on a pour le moment pas de monnaie d'échange. C'pas grave, on va en choper une, deux même.
Ils sont nombreux à nous attendre, ils se préparent à se défendre. Ils attendent qu'on vienne les chercher pour nous finir. On va aller les chercher, mais pas là où ils pensent.
D'abord, on va leur envoyer un messager.
Un gosse du quartier fera l'affaire. En échange d'une pièce, ces gamins étaient prêts à tout. Il était fréquent de les utiliser comme postiers. Neutres, encore en dehors de tous les trafics, et intouchables par la police, ils étaient parfaits pour ce genre de tâche.
-On va lui dire que je vais venir discuter ce soir, avant la tombée de la nuit.
Ce qui devrait leur laisser environ cinq heures.
-Entre temps, on fait une descente sur l'un de leurs QGs, idéalement le delbor.
Fian parlait bien évidemment de la maison de joie qui servait de base principale au réseau de son ex-n+1. A l'heure qu'il était, le focus de son ancien réseau était visiblement la garde des otages et la protection de leur boss et de leur remise à locomotives. Qu'il en soit ainsi, une autre ouverture n'aurait jamais lieu.
-Si on arrive à le tenir un minimum, y'aura moyen d'y trouver un max d'infos pertinentes quant aux plans et aux affaires du boss. Avec un peu de chance, si un des lieutenants est là, on en profite pour faire un otage qui compte pour lui. Pas comme sa piétaille dont il a rien à branler.
Je désignai du menton les cinq cadavres entreposés dans le hall.
-D'autant qu'on peut tout cramer en trente secondes s'il fait le malin.
Son regard se posa cette fois sur une caisse de bouteilles posée derrière Siraak.
-Faut pas se leurrer, il a une bonne part de ses gars avec lui mais le QG risque de pas être facile à prendre. J'en ai conscience. Mais il nous faut frapper maintenant, ou se cacher pour toujours. Si je vais pas discuter avec lui, nos gars sont foutus. Si j'y vais sans rien de mon côté pour peser dans les négos, chuis mort au premier pas que je fais à découvert. On est pas assez pour frapper plusieurs points, mais à nous-quatre, et eux, on a moyen de faire un truc.
On tempo le temps de prendre le QG, j'me pointe pour négocier, je récupère nos gars. Va falloir s'arranger pour faire ça discrètement et rapidement. Si on peut ne pas alerter toute la ville, en particulier lui, avant qu'on soit prêts, ça sera bien. Faudra couper les câbles de tel du bâtiment en amont, et péter les antennes si y'en a. Ca, et filer de la thune aux gosses du coin pour qu'ils se la ferment.
Fian se racle la gorge.
-Mais c'est pas tout. La vraie faiblesse du boss, c'est probablement son appart, et sa mifa. Alors non, j'ai pas non-plus envie de faire du mal à un gosse et à une femme qu'a rien n'à voir avec tout ça, et ça n'arrivera pas. Par contre, si on touche sa petite vie confortable, en dehors du taf, on le tient.
Je montais légèrement le ton de ma voix, pour que les autres puissent tous entendre.
-Nous, on est là jour et nuit. Le Dédale, le trafic, la guerre, c'est tout ce qu'on connaît. On a pas un petit bouton "Stop" pour s'en sortir, genre, quelques minutes par jour. Nan. C'est ça ou crever de faim, inlassablement, jusqu'à ce qu'on crève. Lui, quand il en a marre, il rentre chez lui, loin de tout ça. Il se pose dans son divan, tranquille, il boit le café en se demandant à quel gala il va pouvoir assister ce soir. Bah on va lui faire comprendre qui on est. On va lui faire comprendre que y'a pas de weekend ou de congé payé quand tu nous fais la guerre. Jour, nuit, été, hiver, tu nous mets pas de côté en sortant du quartier.
Je repris un ton plus bas.
-L'un d'entre nous se planquera pas loin, côté centre-ville. Il prendra en filature le boss quand il rentrera. Ca devrait être rapide et précipité, si tout se passe comme prévu, mais on verra sur le moment. C'est trop incertain pour faire des prédictions.
Sina, ça serait ta tâche.
L'agile maîtresse de l'eau, était la plus adapté à cette mission qui requerrait de la discrétion, de la vivacité, et de l'acharnement.
-Siraak, tu serais au QG, à sécuriser tout ça, et à cramer au besoin. C'toi qui tiendra le couteau sous leur gorge. Ma, tu serais avec moi, ou pas loin derrière pour les négociations. Tu nous sors de là si ça merde.
Clairement, le wallbender, avec son aisance à construire un couloir pour s'enfuit ou ralentir l'ennemi, était celui qu'on voulait avoir pour de la protection rapprochée.
-Le plan va a tout le monde ? Des réserves ?
Après tout, j'avais pas rassemblé mes lieutenants pour leur dire ce qu'ils avaient à faire; leur apport était des plus cruciaux, ils étaient les plus hauts cadres du réseau, et par là, les décisions leur appartenaient autant qu'à moi.