Les terres hostiles

[Ermite des vagues]

Et voilà que Tengu se retrouva les yeux bandés, menés par ses deux guides, sur un chemin escarpé et étroit. Oui, autant l'homme avait pu voir cet endroit, autant il ne pourrait pas voir l'entrée bien dissimulée de la grotte qui trouait ces montagnes. Ces individus n'étaient pas si idiots que ça quand même. Si bien qu'après plusieurs minutes d'une marche rendue difficile par les lieux, son étroitesse, et son plafond plutôt bas par endroit, le trio finit par arriver dans une salle plus large, et d'où émanait la chaleur de quelques braseros. Là, Tengu fut fouillé, et tout arme lui fut enlevée, avant qu'on ne lui rende la vue. C'était là un véritable campement, qui pouvait abriter des dizaines d'hommes, mais Tengu n'avait en face de lui que quatre hommes, au visages un peu dissimulés par leurs capuches rabattus. Et derrière lui se tenaient toujours ses deux guides, et il pouvait encore sentir la lance dans son dos.

-Alors comme ça, tu nous recherchais ?

La voix de cet homme était à glacer le sang. Et il se mit à jouer avec son poignard, mine de rien.

[Tengu]

Ses yeux enfin libérés du bandeau qui les recouvrait, Tengu les cligne successivement pour se réhabituer à la lumière. Il fait alors face à un petit groupe d'encapuchonnés qui finissent par l'interroger. Ne répondant pas immédiatement, il commence par faire un rapide tour d'horizon, posant son regard sur tout ce qui l'entoure et que sa position actuelle lui permet de voir. Reposant finalement ses yeux vers ses interrogateurs, il soupire.

_ Euh... Ouais... enfin non... Disons plutôt que ça dépend.

Fronce les sourcils, il semble chercher ses mots avant de finalement reprendre.

_ C'est assez difficile de savoir à qui j'ai affaire lorsqu'ils sont dissimulés sous des capuches. Comment puis-je savoir si vous êtes plutôt Reine Noire, ou plutôt Reine Blanche ?

[Ermite des vagues]

Un rire glacial suivit les paroles de Tengu.

-Une reine noire ou blanche ? Mais qu'est-ce que tu nous racontes là, gamin ?

Tengu pouvait encore sentir la lance dans son dos, mais l'homme à la voix glacial venait d'ôter sa capuche, révélant un visage dur et buriné par les éléments. Une cicatrice coupait son sourcil gauche. La quarantaine bien tassée, il fixai Tengu de son regard bleu sombre. Les trois hommes restant étaient toujours aussi silencieux, mais Tengu pût apercevoir furtivement dans la main d'un de ces hommes comme une pièce d'échec, vite remise dans sa poche. Un allié ?

[Tengu]

D'un regard furtif, Tengu n'échappe pas à la pièce que l'un des encapuchonné s'empresse très vite de dissimuler. Fixant de nouveau celui qui semble être leur chef, puisqu'il est du seul ayant pris la paroles et ôté son capuchon, le jeune home affiche un très léger sourire patient.

_ Quoi, vous ne connaissez rien aux échecs ?

Arque un sourcil interrogatif, avant de finalement hausser les épaules.

_ Boarf tant pis. Pour faire simple j'essaye juste de savoir qui et de quel bord vous êtes.

[Ermite des vagues]

-A quoi nous servirait un échiquier ici de toute façon ?, ricana l'homme qui avait pourtant eu en main une pièce d'échec quelques secondes plus tôt.

Son rire fut suivit par les autres encapuchonnés. Mais le regard glacial de leur chef les fit vite taire. Bien que Sekna pointait toujours sa lance dans le dos de Tengu, l'homme en face de lui n'avait pas besoin d'arme pour se montrer menaçant. Il plongea son regard de glace sur l'intrus :

-Tu es bien téméraire, gamin !

Dans sa bouche, le gamin sonnait presque comme une insulte.

-C'est plutôt à toi de nous dire qui tu es, et ce que tu fiches là. Serais-tu un espion à la solde de Hakan ? Bien que tu n'aies pas l'air du tout d'être un fils de l'eau.

Un vilain sourire se forma sur son visage. Sekna et Malak, les anciens guides de Tengu, restaient silencieux.

[Tengu]

Tengu sourit en entendant les dires de l'homme à la pièce, et il n'hésite pas une seconde à lui répondre.

_ Oh mais les échecs se pratiquent partout, d'ailleurs c'est un jeu magnifique. Surtout lorsque toutes les pièces se mettent enfin en mouvement.

Le regard perçant du jeune homme se fixe sur l'encapuchonné, appuyant volontairement sur la dernière partie de sa réponse. Reportant finalement ses yeux sur le chef, il arque un sourcil.

_ Il n'y a rien de téméraire là-dedans, simple logique. Si vous n'aviez aucun doute nous ne serions pas ici à papoter. J'imagine donc que des présentations s'imposent.

Le jeune homme marque une petite pause, s'éclaircissant la gorge avant de reprendre.

_ Je m'appelle Tengu, et tu as vu juste, je ne suis pas un fils de l'eau. Quant à la raison de ma présence, il s'avère que je cherche quelque chose. Un groupe pour être plus précis. Mais je te rassure Hakan n'est pas mon maître, je ne répond pas à ce genre de souverain pathétique.

[Ermite des vagues]

Le rire glacial de l'homme se fit entendre. Il ferait froid dans le dos à n'importe qui.

-Que tu ne sois pas du côté de Hakan, c'est une bonne chose, si je choisis de te croire. Mais par contre, y'a bien une certitude : tu n'es pas au bon endroit. Sinon, tu nous connaîtrais, gamin !

Un geste de sa part, et la pression de la lance dans ton dos augmenta. L'homme jaugea Tengu d'un regard mauvais.

-Et le sort que l'on réserve aux intrus ici, c'est la mort ! D'autant que je ne pense pas que tu puisses m'être d'une quelconque utilité.

Les autres brandirent leurs armes. Tengu n'allait pas s'en sortir en combattant cette fois. Et le fils de l'eau qui avait évoqué à mot couvert l'échiquier ne pipait mot pour le moment.

[Tengu]

Pas du tout affolé, Tengu jette un regard sur les quelques gaillards qui se mettent à l'encercler. Les choses ne se passent pas vraiment comme prévu, en même temps vu comme les cellules ont plus ou moins perdues contact c'est pas évident de les remettre aux pas.

Il jette un nouveau regard vers l'homme qui selon lui appartient ou du moins connaît l'échiquier, hélas il reste pour le moment muet. Il tente une dernière chose, évoquer son clan. Celui-ci étant connu de tous les membres de l'Échiquier pour être la main armée de l'organisation, marchant en fidèles dévoués aux côtés des Hinori.

_ Inutile, moi ? C'est pas très sympa d'insulter un invité. Surtout lorsque celui-ci appartient au clan Daichi...

[Ermite des vagues]

Le chef, interloqué, fixait le prisonnier. Il ne comprenait plus grand chose. Daichi, ça ne lui parlait pas du tout. Mais alors pas du tout. Par contre, l'homme à la pièce d'échec se tendit un peu, mais pour le moment, il ne pouvait rien faire.

- Tu te crois vraiment malin gamin. Des Daichi, j'en connaissais aucun, jusqu'à ton arrivée. C'est dire combien ton "clan", et il insista sur ce mot,m'importe peu. Et tes menaces...

Il dégaina la lame qu'il portait à sa ceinture. Et en posa la pointe effilée sur le visage de Tengu. L'instant était plutôt critique. Le chef aurait très bien pu tuer Tengu immédiatement. Par pur plaisir. Sauf qu'un de ses hommes débarqua, essoufflé. Il lui tendit un pli. Et un sourire apparu sur le visage terrible du chef. Il avait entre temps ôté sa lame, laissant quelques petites gouttes de sang perler sur la joue droite de Tengu.

-Dommage. Le devoir m'appelle. Un coup de chance pour toi.

Il s'éloigna de son "invité". Et ajouta d'un ton glacial :

-Ou pas.

A ses hommes, il s'adressa ensuite :

-Tuez-le. Il ne m'inspire pas confiance.

Et il laissa Tengu seul, avec ses anciens guides, et les trois autres hommes. Ils échangèrent un regard l'air de dire : "Qui s'en charge ? ". L'homme à la pièce d'échec, avec un haussement d'épaule je-m’en-foutiste, s'avança alors vers Tengu, tandis que Sekna donna un coup sec avec sa lance en plein dans les jambes de Tengu, pour le forcer à s'accroupir.

L'homme fixait Tengu. Il cligna de l'oeil. A moins que ce ne soit un tic ? En tout cas, juste après, il enfonça un poignard en os dans la poitrine de Tengu. Puis lui décrocha une belle droite, qui le sonna totalement. Il s'écroula sur le sol de glace, inconscient, et du sang sous lui.

*****************

Le froid le réveilla. Tengu se trouvait non loin de l'entrée d'une grotte. Il pouvait sentir le vent glacial, et le voir ramener des flocons de neige avec lui. Mais il vit surtout l'homme qui avait enfoncé ce poignard dans sa chair. D'ailleurs, s'il se sentait vaseux, il était bien en vie.

-Désolé, j'ai pas vraiment eu le choix. Je t'ai soigné, ça devrait aller, normalement. On a pas beaucoup de temps, je leur ai dit que j'allais donner ton corps en pâture aux ours. Si je traîne trop, ils vont se méfier. Mais il faut que je sache quand même. Tu es vraiment un membre du clan Daichi ? Et tu nous cherchais ? Qui t'envoie ?

[Aguétiel]

*Les deux hommes se sont levés à l'aube. Le temps est clair mais l'air est glacial. Le Moine frissonne sur son elk, essayant de paraître résistant aux yeux de Iorek.

Mais, en vérité, il crève de froid. Le vieil homme ne mentait pas lorsqu'il disait que les Terres Hostiles portaient bien leur nom.

Alors, il fait le vide en lui pour accepter le froid et se détendre. Le froid reste présent, mais pèse sur lui de façon moins agressive.

En attendant, il prend mentalement note de tout ce qu'il voit: végétation, climat, et même glaciers qui s’écoulent des montagnes en face d'eux pour se perdre dans la plaine gelée du Pôle.*

-Comment allons-nous passer ces montagnes ?

*Lui le pourrait sans trop de problème simplement en volant. Mais avec un tel convoi, il a du mal à le concevoir. Surtout sur des glaciers. Ce sont des endroits dangereux.*