Volodia regarde avec stupeur le coup de tête magistral lancé dans la pastèque. Enfin, le melon. Peu importe. Il faut dire que le geste, quoiqu'assez imprévu et bizarre, reste impressionnant. Avec sa petite tête à elle, saurait-elle un jour ouvrir un melon en deux? Ses yeux s'écarquillent, partagés entre l'admiration et le sentiment de rejet intuitif que nous provoquent toujours les gens un peu étranges.
Elle accepte avec plaisir le fruit, et se met à manger avec plus de discrétion que son nouveau camarade, ses joues bientôt barbouillées de sucre. Elle s'essuie nonchalamment sur sa tenue à chaque bouchée, termine son maigre repas et s'adosse au mur, un peu rassérénée.
Si seulement la vie pouvait être aussi simple! Le geste de générosité de ce vieil homme vient de lui rappeler à quel point les étrangers ont su être violents avec elle depuis son arrivée. Très vite, les exceptions s'effacent peu à peu de son esprit. Elle ignore le souvenir de l'aubergiste, qui l'a nourrie et hébergée sans lui poser de questions. Elle oublie les soldats qui l'ont ramenée du port sans la malmener. Seule reste l'image de barbarie insensée de la place centrale, qui la fait tressaillir.
Elle se tourne vers le vieux monsieur, qu'elle regarde manger avec perplexité. Il y avait quelque chose d'assez paisible dans sa folie.
C'est vrai... Il a l'air heureux...