[CIT] Le Palais Citadin

[Kishi Tanaraq]

C'est ce qu'elle craignait. Un symbole, hein ? Elle soupira en croisant les bras sur sa poitrine :

- Les symboles sont des lames à double-tranchant, Yaya. On en fait ce qu'on veut. Et quand bien même je peux voir et parler aux esprits, qu'est-ce que ça apportera ? Rien de concret, en tout cas. Au mieux, on me prendra pour une folle à lier.

Le visage de Kishi se ferme, l'expression sombre :

- De très bonnes raisons ont justifié la fin et l'oubli des Enfants de l'Hiver. Je doute très sincèrement qu'on se réjouisse de leur résurgence par ma personne. Beaucoup voudront me voir morte. Tu penses que Yahto ou Anora me laisseront tranquille ?

Elle se lève et marche un peu, l'air d'y réfléchir.

- Quel rôle voudrais-tu que j'occupe ? Je ne suis qu'une humble plébéienne. Je ne suis pas chef de clan, notre famille ne voudra pas de moi à leur tête. Mon oncle Takko attendait depuis longtemps que tu passes l'arme à gauche pour prendre ta place, et il a beaucoup de soutiens.

Elle finit par ouvrir une fenêtre pour respirer l'air froid de la nuit. Sa respiration se condensant en nuage blanc.

- Je crois... que j'ai besoin d'en apprendre plus. Sur moi. Himitsu était notre ancêtre et l'une des dernières Enfants de l'Hiver avec sa sœur. Ont-elles un tombeau ?

[Kaya Iluak]

*Kaya s'avance sans bruit vers Kishi.*

-En effet, tu es une simple plébéienne pour le moment... Mais la place de Matriarche du Poisson-Lune est actuellement vacante...

*Elle laisse sa phrase en suspend. *

-De plus, tu n'es pas seule, de ce que j'ai cru comprendre. Un jeune homme a également développé les traits des Enfants tout récemment. Il serait peut-être intéressante que tu le rencontres ? En tout cas, J'y vois un signe. Un signe que les esprits essaient de se rapprocher de nous.

Quant à ton ancêtre, je pense qu'elle repose quelque part dans la Toundra. Elle voulait mettre fin aux traditions barbares des Enfants et pour elle cela semblait le meilleur moyen de le faire. Le plus probable est qu'elle se trouve près du Temple de l'Avatar.

[Kishi Tanaraq]

En l'entendant souligner que la place de matriarche du Poisson-Lune est toujours vacante, elle retient à peine un rire sarcastique. Ben voyons. Mais, c'est l'évocation d'un autre potentiel Enfant de l'Hiver qui retient son attention. L'intérêt d'une rencontre ne lui apparaît pas vraiment, il serait aussi paumé qu'elle. Peut-être même plus en fait.

- J'en toucherai peut-être un mot à Nauja. Elle devrait savoir qui c'est. Les cheveux blancs quand on est pas un ancien, ça ne passe pas inaperçu. J'y réfléchirai.

Le Temple de l'Avatar ? Oui, les rares traces écrites que Himitsu avait laissé derrière elle mentionnait que sa route avait croisé celle de l'Avatar Roku sur la fin de sa vie. Et il avait effectivement séjourné au Temple durant cette période. Oui, cela paraissait être une bonne piste.

Kishi expira longuement. Trop de chemins s'offraient à elle.

- Je pense qu'après la crémation, j'irai me recueillir au Temple. Personne n'y verra rien de suspect étant donné mon deuil.

La jeune femme s'assombrit, fermant les yeux en gémissant.

- Oncle Takko, ma tante et les cousins seront là... Oh pitié. Ils vont pas me lâcher.

[Kaya Iluak]

*Kaya acquisce.*

-Oui, c'est probable…

*Elle fait un sourire triste.*

-Je sais que ta nouvelle nature est perturbante, mais c'est sans doute la raison pour laquelle tu es capable de me voir.

*Elle lève une main qui commence doucement à s'effacer.*

-Et on dirait également que mon temps avec toi touche à sa fin ma chérie.

[Kishi Tanaraq]

Ces derniers mots provoquent un élan de panique en elle. Elle se tourne vers sa grand-mère et tente de la saisir, comme pour la retenir.

- Non, s'il te plaît ! J'ai tellement de questions ! Ne me laisse pas seule...

Cela sonne comme une supplique de petite fille à ses oreilles, elle en éprouve une certaine honte mais n'y peut rien.

[Kaya Iluak]

*Les mains de Kishi ne serrent que le vide, car Kaya n'est plus. L'esprit lance un sourire timide à la jeune femme.*

-Mon temps ici est terminé ma petite. J'ai eu une longue vie bien remplie. Il est temps de laisser ma place aux jeunes générations comme toi. Tel est le cycle de la vie. Venir te voir pour te dire au revoir était le cadeau le plus précieux que je pouvais te faire. Une nouvelle existence m'attend avec mes ancêtres. Je vais retrouver tout ceux que j'ai laissé derrière moi au cours de ma vie. Mon père, ma mère. Mes enfants. Ne pleure pas pour moi ma chérie, je suis en paix maintenant.

*Elle porte une main spectrale au visage de Kishi. La guérisseuse ne sent qu'une douce chaleur.*

-Tu ne seras plus jamais seule maintenant. Je veille sur toi depuis l'autre monde. J'espère pouvoir te revoir un jour... Et quand ton temps viendra, je serai là pour t'accueillir.

*Elle se penche en avant et dépose un baiser sur la joue de sa petite-fille.*

-Adieu ma chérie. Tu vas me manquer.

[Kishi Tanaraq]

Les larmes coulent toutes seules, malgré elle. Elle veut crier, supplier qu'elle reste, mais elle sait que c'est inutile. Le savoir n'empêche pas de vouloir le faire. Lui dire au revoir une fois avait été horrible, le lui dire une seconde fois... c'était au-dessus de ses forces.

Elle s'essuie le visage avec la manche de son peignoir, renifle bruyamment puis avale difficilement sa salive. Elle lève les yeux vers sa grand-mère, de chaudes larmes brouillant sa vue :

- Tu salueras Papa, Maman, et Sura pour moi ?

Elle essaya de lui sourire avec un succès mitigé.

[Kaya Iluak]

*Kaya sourit une dernière fois.*

-Bien sûr ma chérie. Au revoir.

*Elle ferme les yeux et s'efface, laissant Kishi complètement seule cette fois.*

[Kishi Tanaraq]

Inutile de préciser que Kishi passa une nuit horrible. Le Lendemain, elle eut du mal à ouvrir les yeux tant ils avaient gonflé, irrités par le sel lacrymal. Heureusement, au Pôle Sud, on ne manquait pas d'eau froide. Elle appliqua une compresse fraîche sur ses paupières, lui apportant un certain apaisement.

Le réveil avait été difficile. La jeune femme fixa un temps le plafond de sa chambre avant de trouver la force de se lever. Avait-elle halluciné l'apparition de sa grand-mère ? Non. La douleur dans sa poitrine était trop vive pour que cela ne soit qu'une illusion ou un rêve. Il est des choses qui n'engendrent que des certitudes.

Une fois les yeux dégonflés, elle entreprit d'appliquer un peu de maquillage. La cérémonie aurait lieu plus tard dans la journée. Elle aurait besoin de toutes ses forces et surtout d'afficher une attitude composée malgré son deuil. Son oncle Takku ne manquerait pas l'occasion de l'écarter pour tourner ces funérailles en manœuvre politique. C'était triste de l'admettre mais il l'avait jalousé de l'attention que Yaya, sa mère, lui avait donné. La tradition aurait voulu qu'il recueille sa nièce orpheline et l'élève comme sa propre enfant, mais il avait refusé. Pour des raisons... ethniques, lui avait-on poliment expliqué plus jeune.

Elle s'habilla, revêtant un voile gris qui recouvrait toute sa tête et retombait sur ses épaules. Le gris est la couleur des morts au Pôle Sud, car c'est la couleur des cendres qu'ils laissent derrière eux. Kishi ouvrit sa valise et en sortit un petit coffret sculpté en bois avant de l'ouvrir. Il contenait beaucoup d'objets divers et variés : coquillages, ruban, pièce, pierre, cristal etc. Parmi tous ces souvenirs hétéroclites, elle choisit une figurine sculptée en bois flotté. Il figurait un poisson-lune semblable au totem de leur tribu dont les nageoires étaient des pièces de tissu qui avaient depuis longtemps été délavées et déchirées par l'usage. Le bois tendre et usé par le temps portait encore les marques de ses petites dents.

La tradition réservait la crémation aux plus hautes figures du Pôle Sud. Et si on le souhaitait, on faisait don d'une pièce de bois pour alimenter le bûcher funéraire. Kishi glissa le jouet dans son manteau et se décida à retourner dans le monde.

[Guru givré]

KISHI

*Assez rapidement, Kishi tombe sur le Colonel Agloolik, qui la cherchait visiblement.*

-Mademoiselle.

*Il retire sa coiffe de loup-garou et la porte à sa poitrine.*

-Nauja m'a demandé de vous présenter à quelqu'un. Selon ses mots, il est "comme vous". Je l'ai fait mander ici avant les funérailles. De ce que j'ai cru comprendre, il compte vous rendre hommage à vous et à votre grand-mère.

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ILUQ

*L'arrivée d'Iluq était visiblement attendue, car à peine est-il entré dans le Palais qu'un valet le prend en charge et le mène à un salon d'audience où on l'installe sur un confortable fauteuil moderne.*