Les terres hostiles

[Romulus]

Quand le loup lui chopa la main, c'était toute une montagne de muscle qui se contractait. Laissant toute sa naïveté de côté pour ne laisser place qu'à une machine de chair, il abattit son poing ensanglanté sur la bête. Encore. Et encore. Et encore. Et encore...

- SCROUNCH ! SCROUNCH ! SCROUNCH... SCROUNCH !

Le loup avait déjà succombé par une intervention divine, mais vu la charpie qu'il restait de l'animal, en particulier de sa tête devenue purée, Romulus ne lui a laissé aucune chance de survie.

Des flèches fusèrent, toutes faisant mouche. Les moins téméraires de la meute se dispersèrent, mais il en restait toujours quelques uns. Dont un. Différent. Sûrement le chef de meute au vu de sa masse musculaire. Tous crocs dehors, c'était une invitation au duel. Et cette bête allait l'avoir. Le froid et l'adrénaline aidant, sa blessure à la main ne la gênait guère, du moins pour l'instant. Le géant ne pouvait que la garder fermée, pratique pour taper, mais il devait compter sur son autre bras pour frapper.

Les flèches ne l'ont pas du tout interpelé, c'était à cause de ces moments de frénésies qu'il lui arrivait de provoquer des accidents. En plus cet abrutit se ruait sur Lupa en vue d'un... placage.

[Ermite des vagues]

Sauf que le plaquage n'eut pas lieu. Lorsque Romulus arrive après sa course vers ce loup, ce dernier est à terre, agonissant, une flèche plantée non loin de son coeur. Le pauvre animal commence à gémir plaintivement, tandis que le reste de la horde ne demande pas son reste, et s'éloigne autant que possible.

Romulus peut alors voir un homme chevauchant un elk s'avancer et mettre pied à terre. Il te lance un regard blasé, et s'agenouille vers le loup. Qu'il égorge le plus proprement possible avec son long poignard en os. Il a beau détester les loups, il déteste encore plus lorsque ses flèches ne remplissent pas leur rôle du premier coup.

Le loup mort, il reste silencieux, et revient vers son elk dont il attrape les rênes. Comme s'il allait repartir.

-Toi, le parfait inconscient, suis-moi !

Il ne daigne même pas te regarder en disant cela.

-Tu saignes, et les loups pourraient revenir.

Pas la moindre trace compassion dans ses paroles.

[Romulus]

Le géant avait l'air surpris.

- Moi blessé ?

Il regarda sa main. Celle-ci était lacérée et pissait le sang. En plus au vu de sa taille, autant dire que la pression était forte et que ça giclait plutôt pas mal.

- Ah. Bobo. Il est méchant monsieur le loup.

Pour lui ce n'était qu'une petite égratignure mais il ne ressentait pas le besoin de se soigner. La notion d'infection, par exemple, lui échappait totalement. Aussi quand l'individu lui proposa de le suivre, il eut encore et toujours le même réflexe envers chaque personne qui le recueillait dans la toundra.

- Copain !

Et Romulus le suivit... Après avoir arraché une patte au gros loup. Un petit encas pour la route. *Om nom nom nom*

[Ermite des vagues]

Ton sauveur te lança un regard désabusé. Il ne savait pas encore quoi faire de toi à vrai dire, et même si tu semblais ne porter aucune importance à ta blessure, lui, c'était autre chose par contre. Ton sang coulait de ta main, souillant la neige. Un maître de l'eau, un guérisseur, aurait pu soigner ça, mais notre homme n'en était pas un, malheureusement pour toi.

Du coup, il fouilla dans l'une des sacoches accrochées à la selle, et en sortit une bouteille d'alcool. De force, il en aspergea généreusement ta main, avant de te faire un bandage de fortune.

-N'essayes même pas de l'enlever !

Balayant du regard le paysage aux alentours, une once de perplexité naquit sur son visage.

-C'est pas aujourd'hui que j'arriverai à trouver le fin mot de l'histoire..., grommela t-il, l'air plutôt mauvais.

Il repensait à cet animal qu'il avait trouvé lors de sa dernière expédition. Animal dont le maître, un gamin venant du village des Peaux Bleues, avait été retrouvé mort, flottant dans un canal de la capitale. Le tout était plutôt étrange et Iorek pensait trouver une réponse dans les terres hostiles. Comme son instinct le lui dictait.

Ce qui expliquait qu'il se trouvait maintenant de méchante humeur. Ta blessure était trop grave, pour qu'il t'entraîne avec lui dans ses aventures. Il ne pouvait pas non plus t'abandonner ici. Malgré les apparences, il avait un cœur. Plutôt de glace, mais un cœur quand même. Et il y avait les loups. Même s'ils avaient fui, l'odeur du sang les ferait rappliquer fissa vers eux. Tergiversant, il se saisit d'un parchemin dans l'autre sacoche. C'était l'une des cartes qu'il avait faite des terres hostiles. Quelques minutes passèrent en silence. Puis, il flatta l'encolure de son elk cornu.

-On va rentrer Brââm. Tu penses supporter son poids ?

Lelk ne lui répondit pas, mais il était évidemment que vu ta carrure, ça allait être plutôt compliqué. Et il doutait que tu lui obéisses sans rien dire. Et il n'était pas prêt à supporter ça, ni même à veiller sur toi tout le long du voyage du retour? Mais notre homme n'était pas à cours de ressources. Et il te prit en traître. Et t'assomma proprement en utilisant le manche de son poignard en os.

Puis, il t'allongea sur une civière improvisée; il avait détourné de son usage sa tente en peau. Il t'avait aussi fermement attaché.

Le voyage du retour durait normalement deux jours, sauf que là, il en dura plutôt trois, une tempête vous ayant ralentit. Pas la peine d'ajouter que pendant ces trois jours, il veilla bien à ce que tu restes endormi. Tout comme il vérifia ta blessure. Qui n'était vraiment pas jolie à voir.

[la suite : ici ]

[Ermite des vagues]

Ni Romulus, ni Iorek ne se rendirent compte qu'on les avait observé de loin. Jusqu'à leur départ. Tapis derrière un monticule rocheux recouvert de neige, un homme sortit de sa cachette une fois les deux fils de l'eau hors de son champ de vision.

-Un jour ce gus nous trouvera. Il faut vraiment qu'on lui en touche un mot.

Non, il ne parlait pas seul. Il y avait une autre personne avec lui.

-A son retour. Pour l'instant, on bouge et on change notre campement de place.

-On fait plus que ça ces derniers temps, ça manque d'action.

L'homme, râlant, se mit à cracher sur la neige.

-Les ordres sont les ordres. On attend !

Il quitta alors l'abri rocheux, et le râleur le suivit. Et ils rejoignirent leur campement.

[Tengu]

Le vent froid du Pôle balaye les entendus plates et enneigées. Pourtant c'est sur ces terres désertique et glacés que Tengu, l'envoyé de la vieille Izumi, se lance à la recherche des pires crapules qui peuplent le Pôle Nord.

Son objectif ? Retrouver l'une des cellules dormantes de l'échiquier, l'organisation dont il est membre. Celui-ci est guidé par deux hommes qui montent, tout comme lui, des Elks et c'est ensemble qu'ils parcourent les plaines arides en quête d'indice.

[Ermite des vagues]

Les trois hommes poursuivirent leur route en silence, jusqu'à ce qu'ils arrivèrent dans le défilé dans la montagne. L'endroit était légèrement effrayant, le vent sifflait entre les parois rocheuses et recouvertes de neige et de glace. L'espace était si petit, que les guides expliquèrent à leur client qu'il fallait mieux mettre pieds à terre, et tirer leurs montures par la longe. Il allait devoir y aller à la queue-le-leu aussi.

-Je passe en premier, tu suis, et Sekna fermera la marche.

Il se fraya un chemin dans l'entrée du défilé, et dut tirer sur les rennes de son elk récalcitrant.

-Ah, et fais gaffe à ta tête, on sait jamais !

Il parlait d'une voix plus basse, pour plus de discrétion, ou par peur d'une avalanche ou d'un éboulement plutôt.

Ils avaient parcouru la moitié du chemin à peine, que Tengu put sentir la pointe d'une lance dans son dos. Mais aussi qu'il ne pouvait plus avancer. On avait usé de la maîtrise de l'eau pour lui coincer les pieds dans la glace.

-Y'a quand même quelque chose que j'aimerai comprendre. Était-ce vraiment nécessaire de tuer notre bon vieil ami le poissonnier ? Ainsi que son employé ?

Et oui, les deux hommes savaient pour la mort de ces deux-là. Aussitôt l'affaire conclue avec Tengu, ils avaient été leur rendre une petite visite, et ils n'avaient pas été déçu de ce qu'ils avaient vu.

[Tengu]

Marchant prudemment dans le défilé tout en tirant sur les rennes de son elk, Tengu avance en silence tout en suivant les directives de ses guides. Mais après un bon moment, la cohorte s'arrête et le jeune homme peut alors sentir deux désagréables sensations. La première apparaît dans son dos et il s'agit ni plus ni moins que d'une pointe de lance. Pour la seconde, il s'agit de ses pieds qui se retrouvent coincés dans la glace, empêchant tout mouvement de sa part.

Fermant un instant les yeux, toujours dissimulés sous son masque, il pousse en même temps un profond soupire. Celui-ci peut tout à fait ressembler à une marque d'exaspération, il faut dire qu'il s'attendait un peu à ce qui est en train de ce passer. Mais en vérité, il s'agit de toute autre chose, Tengu utilise simplement avec un grande discrétion sa maîtrise pour simplement fragiliser la glace entourant ses pieds. Ainsi, il apparaît toujours prise au piège pour les deux hommes alors qu'au moindre mouvement de sa part ses pieds seraient de nouveau libre.

Tandis que d'un côté il s'affaire à cela, il occupe ses guides en répondant le plus calmement du monde à leur question.

_ Nécessaire ? Non. Indispensable ? Oui. Le pauvre n'a simplement pas su garder sa place. Après avoir reçu ce que je voulais, et l'avoir payé pour cela. Le bougre a tout simplement cru qu'il pouvait me délester de ma bourse. Voyant que j'avais amplement les moyens de payer, j'imagine qu'il a soudain eu les yeux plus gros que le ventre. Voyez-vous je suis un homme d'honneur. Pour moi, une parole et une parole, si je m'engage à payer un certain prix pour quelque chose, j'attends que le vendeur respecte lui aussi ses engagements. Alors vous vous doutez bien que lorsqu'il a cru pouvoir me voler avec l'aide de son employé, j'ai du agir.

Complètement détendu et dictant son laïus sans la moindre hésitation dans la voix, il n'en reste pas moins prêt à bondir pour s'occuper de ses guides, si jamais ceux-ci esquissaient le moindre geste suspect.

[Ermite des vagues]

Sauf que les deux guides n'étaient pas crédules au point de boire ses paroles. Sekna eut même un petit sourire en coin, tout en appuyant un peu plus sa lance dans le dos de Tengu, pour accentuer sa menace.

-Tyk était un idiot, vénal qui plus est, mais pas un voleur. Le tuer n'était vraiment pas une bonne idée...

Il se tut, laissant le vent soufflant fort emplir le silence. Malak se retourna alors Tengu, un sourire menaçant aux lèvres.

-On pourrait en finir avec toi et abandonner ton cadavre ici. Je dois dire que c'est tentant. Mais avant d'en arriver à là, je pense qu'eux, fit-il désignant des ombres sortant des flancs de la montagne, à quelques mètres en hauteur, auront sans doute des questions à te poser avant !

[Tengu]

Visiblement la carte de la négociation n'a pas eu l'effet escompté. Au vu de la situation, il semble pour Tengu que réduire les deux hommes au silence soit son dernier recours. Mais contre toute attente, alors que ses guides le menacent d'abandonner son cadavre ici, ils finissent par y renoncer. Notamment à cause du fait qu'ils ne soient plus seuls dans le défilé glacé. En effet, un certain nombre d'ombres sortent de leur cache, pour encercler le groupe.

Se contentant donc de balayer du regard, Tengu en profite pour les compter et réfléchir sur la suite des événements. Apparemment les nouveaux venus ont des questions pour le jeune homme et cela va lui permettre de lui offrir un sursis. De plus, sa maîtrise reste toujours secrète, aussi le voilà avec un joker dans la manche.

Même si cela serait sacrément couillu pour lui, il se pourrait que ces personnes soient justement celles que Tengu recherche. Levant donc gentiment les mains en l'air en signe de reddition, il se rend.

_ Et bien soit. Je me ferais un joie de répondre à vos questions. Surtout si cela peut me permettre de rester en vie.

Dit-il, toujours égal à lui-même, d'un ton plutôt enjoué.