Les minutes passées à attendre dans le couloir lui semblent durer une éternité. Un temps qu'elle passa, la paume de sa main posée sur son sabre, à écouter les éclats de voix qui s'entendaient jusque dans le couloir. S'il n'y avait eu ce soldat avec elle, elle se serait rapprochée de la porte, pour mieux entendre.
Espérons qu'il passe toute sa colère contre Yaken, et qu'il ne lui en reste plus lorsque ce sera à mon tour...
Elle n'y croyait pas trop à vrai dire. Parce qu'elle était loin d'être la victime dans toute cette affaire. Elle avait provoqué et exacerbé la colère du garde royal, au lieu de tenter de le calmer. Mais elle avait aimé ça, et avait trouvé jouissif de se battre contre un inconnu finalement. D'ordinaire, elle se battait contre Azaruuk, ou bien son grand père, mais ce dernier n'avait plus sa vigueur d'autrefois, les années l'avaient finalement rattrapés, et elle n'avait plus fait de passes d'arme avec lui depuis bien longtemps. Et n'en ferait plus.
Mais tout avait dérapé quand Yaken s'était servi de sa maîtrise de l'eau, reversant l'issu du combat. Elle s'était retrouvée impuissante, et avait détesté cet état de fait. Elle serra un peu plus son sabre, et s'adossa contre le mur du couloir. Il fallait vraiment qu'elle s'entraine encore plus. Mais surtout qu'elle cesse d'haïr la maîtrise de l'eau, ça arrangerait peut-être les choses. Bon, de ça, elle en doutait.
Le fil de ses pensées fut brusquement perturbé, lorsque la porte s'ouvrit, et qu'un Yaken très remonté, et qui la claqua brutalement, en sortit. Elle n'avait pas peur de lui, mais l'espace d'un instant, elle crut bien qu'il allait passer sa colère sur elle, mais heureusement, il n'en fit rien, arrêté surtout par la présence silencieuse du soldat toujours dans le couloir. Mais elle resta muette, lorsqu'il lui reprocha la sanction qu'il venait d'avoir. Pas la peine d'augmenter encore plus sa colère, et pourtant, lorsqu'il partit enfin, la jeune femme aux cheveux de feu eut un petit sourire en coin.
Petit sourire qui fit place à une expression neutre, quand elle entra à son tour dans le bureau du chef de guerre. Ce dernier était assis à son bureau, et la regardait. D'un regard glacial, qui aurait pû en impressionner plus d'un. Et même elle, qui fit là disparaitre l'espoir mince qu'elle avait, que la colère Yorko Kharstak serait un peu apaisée. Il regardait aussi son sabre, et cela lui fit amèrement regretter de l'avoir pris avec elle.
Il lui fit alors des reproches, auxquels elle ne pipa mot. Pour ne pas l'énerver plus encore, et parce qu'il ne voulait pas qu'elle se justifie. Soit. Et pourtant, son orgueil fut bien atteint, lorsqu'il la jugea incapable de survivre dans les terres hostiles. Mais, même si elle le niait, et ne manquait pas d'un courage certain, il avait raison pourtant. Les terres hostiles exerçaient sur elle une fascination dérangeante. Enfant, elle s'y était aventurée, et aurait pû y mourir, si les secours avaient tardé. Depuis, elle y avait rarement mis les pieds, trop peur à vrai dire de se retrouver encore piégé dans une tempête, impuissante. Mais aujourd'hui, elle se sentait à l'étroit dans cette cité qu'elle connaissait par cœur, et à laquelle elle était comme attachée. A cause d'une simple promesse et du poids de paroles prononcées bien avant sa naissance.
Elle soupira, lorsque le chef de guerre lui fit part de sa sanction. Cuisine, et ménage, chouette ! Elle allait bien s'amuser, mais ça aurait pû être pire. Mais soudain, le militaire se leva, et alors qu'elle ne s'y attendait franchement pas, déclara qu'elle était une civile, et coupa sa ceinture. Le bruit métallique que fit son sabre lorsqu'il rencontra le sol la fit sursauter, mais l'a mis surtout hors d'elle, encore plus, lorsqu'il donna un coup de pied dedans, pour l'éloigner d'elle.
Son visage prit la même couleur que ses cheveux, la colère battait, vive, à ses tempes. Elle fusilla du regard le chef de guerre, et leva sa main, pour le frappa. Puis, reprit son sabre, et sans attendre que l'homme réagisse, quitta immédiatement le bureau du chef de guerre.
Enfin, ça, c'est ce qu'elle s'imagina faire. Au lieu de quoi, elle resta stoïque, la colère brûlant fort en elle, comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Ses yeux brillaient, de larmes qu'elle ne pouvait se permettre de verser. Le chef de guerre avait atteint son point faible, et il le savait. Elle était amère. Ce sabre était comme un prolongement d'elle même. Mais elle ne le regarda pas, ses yeux bleus fixaient le militaire. Si un regard pouvait tuer, l'homme qui lui faisait face serait mort. Les secondes passèrent, sans que rien d'autre ne se passe.
-A vos ordres.
Furent les seuls mots qu'elle prononça, enfin, avant de quitter, sans un regard pour le chef de guerre, le bureau. Sa colère, elle ne pouvait se permettre de la laisser exploser. Elle s'était déjà fait assez remarquer. Et elle ne pouvait pas non plus quitter les lieux ni la ville. Mais il n'avait pas gagné la partie pour autant, la jeune femme n'avait pas dit son dernier mot. Elle récupérerait son sabre. Par tous les moyens.