Fian n'avait jamais eu une vie facile. Alors qu'il n'avait que deux ans, ses parents migrèrent depuis la nation du feu, dans l'espoir de s'extraire de leur misère dans la ville la plus cosmopolite du monde. Quelle erreur. Sans éducation, ils furent des prolétaires ici comme ils l'avaient été là-bas. Parqués au dédale, avec douze heures de travail par jour pour pouvoir nourrir le gosse, et éventuellement manger eux-même.
Parents à l’usine, faut être lucide, il a pas c’t'idéal
Normal il déraille, ça va bicrave à la sortie des halles.
Témoin pendant toute son enfance de ce que ses parents, qui malgré tout faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour qu'il s'extraie de la misère dans laquelle il avait grandi, étaient forcé de subir pour simplement survivre, Fian décida très tôt qu'il ne finirait pas comme ça. Cependant, il fallait bien vivre, et le garçon ne mangeait plus aussi peu qu'un nourrisson. Ainsi, pour soutenir l'effort familial, il aurait dû à sept ans rejoindre ses parents à l'usine; pourtant il choisit une autre voie.
L'enfer est gelé, le paradis crame,
Tout-le-monde rêve de planer t'as pas de mal à bicrave.
Republic City était une ville ouverte sur le monde. Mais les barrières sociales sont parfois plus infranchissable que les murailles de Ba Sing Se. Ceux qui naissaient dans le ghetto y mourraient, et ils le savaient. Chacun faisait ce qu'il pouvait pour améliorer un petit peu le quotidien.
Entre la promesse d'argent facile pour certains, et celle de s'évader quelques heures pour les autres, l'économie parallèle s'était implantée plus vivacement qu'une mauvaise herbe dans les bas quartiers de la ville franche. Alcool de contrebande, drogues, prostitution... Endiguer le phénomène semblait une tâche impossible pour la police, et l'avatar était trop occupée pour s'attaquer efficacement au problème. Il semblait même inconcevable qu'elle put y apporter une solution. Les maigres opérations qui étaient menées n'aboutissaient qu'à quelques dizaines d'arrestations au mieux, surtout des clients, et la demande était si forte que les têtes coupées repoussaient toujours plus nombreuses.
J'ai le Peter Pan syndrome mais sans la berceuse S.V.P
Cherche l'assassin de mon enfance avec un pompe sur l'siège bébé.
Ainsi, à un âge où beaucoup jouent à la balle après l'école, Fian passait ses journées adossé à un mur, à guetter la garde ou une descente d'un gang rival. De temps en temps, il sifflait pour alerter ceux de ses camarades qui distillaient et commerçaient à l'intérieur.
Aussi simple que soit sa tâché, il était bon. Vif, il ne se laissait pas abuser par les entourloupes de gardes en civils, et il n'avait pas son pareil pour détecter un truand ennemi avec une arme cachée.
En première ligne pendant plusieurs années, il avait dû apprendre à survivre. A dix ans, faute de professeur, son bending n'était que peu développé; il fallait dire que Fian devait concentrer son attention sur autre-chose. Certes, il ramenait à la maison plus que ses parents, qui avaient par ailleurs arrêté totalement de poser des questions, mais ses journées étaient longues, et chargées. Vivre à son poste était un travail de tous les instants, et la moindre inattention pouvait coûter très cher.
T'aimes parler, voir clair dans tout ça ? Ta gueule, on t'dit d'taper
Au pays des aveugles armés le borgne n'est qu'un handicapé
A treize ans, il avait déjà grimpé les échelons. Il ne comptait plus les bouteilles qu'il avait vendues, ou les hommes et femmes qu'il avait tué. Tout ça était devenu son quotidien. Malgré sa non-maîtrise du feu, il savait se défendre. Car si la rue était une mère infanticide, elle pouvait aussi se révéler la meilleure des pédagogues. Le jeune trafiquant n'avait jamais suivi un seul cours d'art martial, mais les régulières escarmouches auxquelles il avait pris part en avaient fait un combattant aguerri, qui n'avait pas peur de se frotter aux meilleurs des dojos environnants. Certes, son style n'avait rien d'élégant ou de grandiose, mais il fonctionnait.
Pour ce qui était des puissants benders, Fian le savait, il était inutile de tenter de les combattre à la régulière. Fian n'avait connu que quelques affrontements de ce genre, et il s'en était toujours sorti de justesse. Pourquoi tenter le diable, alors qu'une lame dans la gorge fait le même travail sans danger ?
On dira qu'javais raison,
J'suis sorti pour faire la guerre, j'ai perdu le chemin de la maison
Fian avait vingt-deux ans, il était le plus jeune bras droit d'un chef de réseau de tout Ba Sing Se. Le boss était un homme cruel, mais confiant. Trop confiant, selon Fian. Cependant, tant que la paye tombaient, il s'en fichait. Il enchaînait les tafs,
avait ses propres hommes, et du talent pour ce qu'il faisait. Forcément, cela attirait les inimitiés et les jalousies. Personne ne sut s'il avait été trahi ce soir là, ou bien si un gang qu'il avait fait tombé s'était vengé. Quoi qu'il en soit, quand il rentra, un homme et deux femmes l'attendaient. Ses parents étaient attachés, sur le sol.
Les trois larrons, des earthbenders, avaient déjà taffé sur les darons, apparemment; ces derniers étaient couverts d'ecchymoses. Ce qu'ils demandaient était simple, la vie de son boss pour celle de ses parents. Quand Fian sortit de l'appartement, il était en flamme, cinq cadavres à l'intérieur. Ce n'était pas une question d'argent, de loyauté ou de fierté. On n'est qu'aussi fort que notre point le plus faible. Nul ne pouvait avoir de point de pression sur lui. Pas avec les ambitions qu'il avait.
Avec la faim je suis parti de rien je voulais (je voulais)
Voir le monde donc j'ai volé
L'estomac noué, jeune et doué
J'ai fumé le roi qui me croyait dévoué
Son boss le congratula quand il eut vent de la nouvelle. Il récompensa grandement la loyauté de Fian. Une semaine plus tard, le second décida qu'il en avait assez, justement, d'être second. Et il avait suffisamment d'influence au sein du réseau pour faire ce qu'il avait à faire. Après avoir égorgé son boss devant ses principaux lieutenants, Fian prit la tête du groupe. Il ne s'entoura que des hommes et femmes les plus sûrs, et délégua le reste du management. "Confiance" ne faisait pas partie de son vocabulaire. Seule la loyauté avait de l'importance. Ses subordonnés avaient le couvraient, il les couvrait en retour. Aucun de ceux qui charbonnaient pour lui ne serait laissé derrière. Ils réussiraient ensemble, des boss au plus insignifiant guetteur.
Seules ses affaires comptaient. Le reste ne l'intéressait pas. L'avatar pouvait combattre autant d'esprits qu'elle le voulait, les politiciens pouvaient se faire des coups en traître, c'était pas ça qui remplissait l'assiette, ou qui aidait les frères. Cependant, s'il ne s'imiscait pas les affaires de l'extérieur, l'extérieur, lui, ne se gênait pas pour venir squatter. Après quelques années, il avait acquis une réputation, et un petit chef des triades lorgna sur son business.
Y'a pas de cinéma j'ai pas de temps, pas de temps à donner ou à perdre
Baba m'a dit faut du douze, faut scier l'canon pour la guerre
Et la guerre, et la guerre on l'a fait, on la refera, pourquoi donc épiloguer
Pas de paix, pas de paix, pas de paix dans le contrat la haine pour copiloter
L'offre du type était claire : tu nous files la moitié où tu crèves. Ouais. Tu parles. Les moyens poissons, ça intéressait pas Fian. Ceux qui sont trop gros pour passer sous les radars, et qui du coup pensait être chauds, mais étaient à peine plus puissant qu'un petit trafiquant du dimanche.
Fian, et trois de ses gars les plus sûrs, se chargèrent du type dans la semaine. Poignardé dans son bain, plusieurs fois. Il avait que deux garde à son appartement. Ridicule. Mais rien d'autre. Fian n'avait pas intérêt à essayer d'affronter le réseau du type, et il fut oublié immédiatement.
Oublié, mais pas par tous. Il semblait évident que Fian allait devoir se faire inféoder par un plu grand, quoi qu'il arrive. Mais il n'eut pas besoin de chercher. Un parrain vint vers lui, avec une véritable offre. Il fournissait des moyens à Fian, qui lui payait en revanche une part de ses revenus. Le type en question avait la même mentale que Fian, et l'entente se fit sans problème. Fian gérait son réseau comme il le voulait, tant qu'il ne mettait pas son boss en danger, et que l'argent se transférait plus haut.
Il avait à présent vingt-sept ans, et son réseau tournait bien. Lui-même, malgré son leadership, n'avait pas quitté la rue. Certes, son niveau de vie s'était élevé, mais s'il gérait d'une main, il continuait les basses besognes de l'autre. Il était proche de ses hommes, et ne s'autoriseraient pas à perdre le contact avec la réalité. Néanmoins, certains voyaient son implication moins autoritaire que celle de son prédécesseur comme une marque de faiblesse. Aussi il devait parfois en rappeler certains à l'ordre.
Sont personne au quartier, j'ai fait le tour de leur tess
J'arrive chez eux, six heures du mat, avec la tête de leur chef
L'aube n'allait pas tarder. Fian et trois de ses plus proches camarades, un earth bender, sa soeur waterbender et un firebender, se trouvaient en bas de l'immeuble dans lequel logeaient une dizaine d'ex-membres du réseau. Leur chef s'était senti pousser des tripes et avait décidé de faire sécession. Fian ne tolérait pas la déloyauté; il avait ramené la tête du traître, et comptait bien faire comprendre à ses sous-fifres, et à ceux qui seraient tentés, qu'on ne se jouait pas de lui.