- Où est-ce que vous me dites que vous l'avez trouvée ?
-A l'intérieur d'une des caisses de matériel, mon Lieutenant.
-Mmmh...
Zara continuait de regarder Hartman, son sourire angélique aux lèvres. Elle ne perçut ni le trouble de l'Armure Rouge, ni la soudaine crise du Jeune Vieil Esprit.
Le Lieutenant la scrutait, songeur, impénétrable.
Un homme qui mérite sa place, songea la jeune fille.
Elle parcourut la pièce du regard, glissa sur les quatre hommes déjà présents à son arrivée dans la cabine, endroit quelconque. Une table, sur laquelle rien n'est posé, des chaises, un tapis, des meubles de rangement, un hublot... Bref, rien d'exceptionnel. Rien qui ne permette de deviner de quoi les quatre hommes parlaient avant son arrivée.
Bien sûr, le cerveau de Zara débordait de suppositions, toutes plus ou moins farfelues.
- Premier test pratique ! dit Hartman en sortant soudainement de sa torpeur. Qu'est ce que vous feriez dans une telle situation ?
Les yeux de Zara pétillèrent. Elle était impatiente d'entendre les différentes réponses.
C'est le Jeune Vieil Esprit qui prit la parole en premier.
Zara tourna son attention vers lui.
- Si ce qu'elle risque d'avoir vu et entendu compromet notre sécurité a tous alors je suis pour l’exécution sommaire.
La maintenir en captivité serait une solution, mais si c'est effectivement un danger, je préfère l'avoir a marcher devant moi que sur mes talons. (il fit une petite pause dans son discours) En ça, mon père m'a toujours appris que quelque soit la qualité d'un outil, son origine, neuf ou ancien. Dans la mesure ou on peut en faire une bonne utilisation, il ne faut pas s'en priver.
Zara écouta tout cela sans bouger, son sourire s'étant désormais fait un brin moqueur. Il ne faisait pas vraiment dans l'originalité, pensa-t-elle. Le Jeune Vieil Esprit était prudent et parlait avec une certaine assurance. Digne de l'opinion que Zara s'était (un peu prématurément) faite de lui.
Elle croisa les bras et attendit que les deux autres prennent la parole.
- Euh, j'ai une proposition... Je crois, fit l'Armure Rouge, hésitant.
Il n'avait donc aucune expérience, au vu de sa façon de parler, comme Zara l'avait deviné.
- Est-ce qu'on ne pourrait pas la, euh... Jeter à l'eau, enfin, la forcer à quitter le navire je veux dire... Je pensais à ça parce qu'elle ne sait rien et la garder sur le bateau peut représenter un certain risque, vis-à-vis de sa maîtrise de l'eau.
Zara plongea ses yeux dans ceux du jeune homme. Pensait-il réellement ce qu'il disait ?
En tous cas, il était vraiment nouveau, et cherchait à l'évidence à faire ses preuves. Il ne songeait quand même pas que jeter Zara à l'eau changerait quelque chose ? Elle les suivrait facilement un temps, remonterait subrepticement à l'intérieur du navire grâce à sa maîtrise... Bref, ça ne changerait rien du tout.
Il reprit :
- Quant à l'exécution, comment pourrait-on de sang froid abattre quelqu'un avec un aussi joli sour... Euh
Il s'empourpra en remarquant qu'elle le regardait.
Et ledit sourire de Zara s'élargit, et elle se retint de rire. L'Armure Rouge (c'était le cas de le dire...) (facile celle là) détourna ses yeux vers Hartman :
- Je... Voilà... Non ?
- Si je peux me permettre, intervint le Colosse Bleu, cette jeune femme ne va pas pouvoir aller loin elle s'épuisera avant d'atteindre un quelconque rivage.
Le regard de Zara se fronça, mais elle ne dit rien. Il la sous-estimait, grave erreur pour quelqu'un d'aussi expérimenté.
- Certes il serait simple, facile, et expéditif de la tuer, dit-il au Jeune Vieil Esprit, et il continua en s'adressant à Hartman : - Nous pouvons toujours l'amener avec nous, ces compétences pourrait nous être utile, des fois qu'il y ait des blessés. Et si elle devient trop gênante nous pourrons toujours la tuer, personne n'en saura rien.
Zara tût le fait qu'elle ne savait pas guérir. Ils seraient bien surpris lorsqu'un d'entre eux serait blessé. Mais si elle voulait les accompagner, autant qu'ils ne la croient pas trop dangereuse, mais utile.
Le Colosse Bleu s'approcha d'elle, se baissa pour être à sa hauteur. Il était si près qu'elle pouvait sentir le souffle de l'homme sur son visage.
- Et puis si elle est une citoyenne du feu elle se fera un plaisir d'aider la nation en tant que bonne citoyenne qu'elle est !
Zara répondit, toujours aussi souriante :
- Oui, bien sûr !
Elle avança dans la cabine et désigna du doigt la petite troupe qui l'escortait :
- M. Pyromane ne vous a pas dit mon nom. Alice Zara, Maître de l'Eau, originaire de l'île d'Hosho. Mon père est Citoyen du Feu, et moi aussi. (Zara observa une petite pause, scrutant les quatre hommes un à un. Elle leva sa main, et compta sur ses doigts.) Je ne suis ni une espionne, ni dangereuse. Je suis écrivaine. C'est tout. Et bien sûr, aider ma nation sera un plaisir, en particulier si cela me permet de nourrir mes récits.
Elle prit son sac qu'elle gardait en bandoulière, l'ouvrit et en laissa tomber le contenu à terre. Se déversèrent sur le sol de la cabine une combinaison de cuir doublée, une robe, une paire de collant, des rubans bleus, une trousse de toilette contenant tout ce qu'une femme a besoin, un boomerang soigneusement plié, un carnet et un stylo. C'est fou tout ce qui peut rentrer dans un sac de fille.
- Voici mes armes. Très dangereuses, j'en conviens. Vous pouvez examiner mes notes, et vous verrez que je me suis déjà inspiré de vous quatre pour créer des personnages, ainsi qu'un début de récit. Une fiction. Je ne raconte pas les choses réelles, elles ne m'intéressent pas. Enfin si. Elles m'intéressent, car elles nourrissent mon imagination. Et donc me permettent de faire des fictions. Parce que le réel, c'est ennuyant... Enfin, d'habitude, parce que là, ça n'a pas l'air d'être ennuyant, ce qu'il va se passer...
Elle se tut. Sourit.
- Enfin bref. Je ne suis pas plus dangereuse sur ce bateau que vous, Lieutenant Hartman, M. Pyromane, et vos hommes. J'ai de l'eau à volonté, certes. Mais vous, votre feu, vous pouvez le créer n'importe quand. C'est à peu près équilibré, pour une fois. L'équilibre fait-il peur, dans un monde qui fonctionne grâce au rapport de force ? Vaste question.
Elle haussa les épaules.
- Et je serais ravie d'aider mon pays, comme le Colosse Bleu l'a si gentiment fait remarquer. Mais après, c'est à vous de décider entre sa proposition, celle de Jeune Vieil Esprit et celle de l'Armure Rouge. Ma vie est entre vos mains, mais j'aimerais vous être utile. Cela me ferait évidemment très plaisir.
Zara acheva là de parler, discours un peu chaotique, semblable à sa personnalité. Et, plantée là, en robe blanche au milieu de ses affaires étalées à terre, elle attendait la décision du Lieutenant.