Lieu : sur le toit d'une des pagodes
Partenaires de RolePlay : aucun.L'Aube.
Un aigle, très haut dans le ciel. Libre... L'oiseau s'élève toujours plus, tournoyant bien au-dessus du canyon, guettant le moindre signe qui trahirait la présence d'une proie. Soudain, il plonge, ailes repliées. L'aigle s'abandonne de nouveau aux lois de la gravité, et fond sur le rongeur inattentif qui rampe au fond de la crevasse naturelle. Serres ouvertes. Plus que quelques mètres. Elles se referment. Raté. Le rongeur s'enfuit entre deux rochers.
Hài eut un sourire en coin. Cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas pris le temps de méditer. Il en avait presque oublié ce profond sentiment d'harmonie que le simple fait de rester assis en tailleur sur ce toit lui procurait.
Une fourmi, minuscule, bravant ce monde peuplé de géants avec le courage d'une aventurière...Six minuscules pattes progressaient effectivement vers le moine assis-là, crapahutant sur les tuiles. C'était probablement la seule forme de vie sur ce morceau de rocher perché contre la falaise qui n'avait jamais été intriguée par la particularité du lieu. Jamais elle n'aurait pu s'apercevoir que les bâtiments, suspendus sous une falaise, pointaient vers le cours d'eau qui serpentait en contrebas. Curieuses bestioles que ces hommes qui dans leur quête de la vérité, construisirent ce temple à l'envers, dans l'espoir de faire de même avec leur esprit.
Une brise, légère, douce, insaisissable... Le vent venait de se lever avec le soleil, qui avait surgi de derrière la falaise quelques minutes auparavant. Un flux harmonieux, vivifiant, d'abord, ténu, puis de plus en plus fort. S'amplifiant. Une bourrasque. Presque une rafale. Puis plus rien.
Hài se prit alors à repenser à ce songe. Un rêve récurrent. Toujours le même, d'aussi loin qu'il se souvienne, mais qui n'avait pris un semblant de sens que très récemment. Des vents de tous horizons, convergeant au-dessus d'une mer d'huile. Un bateau aux voiles bleues, voguant paisiblement sur les flots. Avant que qui que ce soit n'ait le temps de s'en apercevoir, la rencontre des masses d'air a lieu. Brusquement, le chaos. Une mer déchaînée, un ciel tourmenté, où tourbillonnent les nuages. Est, Sud, Ouest, Nord. Quatre vents divins. Quatre ouragans pour purifier ce monde. Quatre... scooters des airs ?
Maudits gamins... grommela intérieurement le moine.
Les novices venaient de se lever, et pourtant déjà, la cour était remplie de cris et de rires. Le temps propice à la réflexion venait de s'achever, alors que débutaient les jeux des enfants. Hài ne put s'empêcher malgré tout de sourire tant cette situation lui rappelait celle qu'il avait tant de fois vécue, alors que lui même jeune novice, venait avec ses amis expérimenter leurs nouvelles farces sur le vieux moine qui dormait plus qu'il ne méditait, et leur courrait après (dans le but avoué de leur donner "une bonne leçon") plus qu'il ne méditait. Un ordre, bien que loufoque, tout à fait harmonieux. Hài avait alors le sentiment de faire partie d'un tout, sentiment qu'il aurait voulu faire partager au reste du monde. Seulement voilà, le reste du monde n'avait guère envie d'harmonie. Le reste du monde ne cherchait qu'à dominer son prochain, dusse-t-il pour cela renier Mère Nature.
Hài se leva et inspira une longue bouffée d'air pur. Il fit quelques pas, manqua de trébucher sur les tuiles trois fois, de glisser deux fois, soit respectivement deux et quatre fois de moins que d'habitude, sans compter le parcours pour arriver jusqu'ici. Un bon présage. Cette journée allait être riche en événements, et cela tombait bien, car Hài avait aujourd'hui fort à faire.
Il ramassa son bâton posé à côté de lui, examina longuement le manche de bois ouvragé, y découvrant à chaque fois de nouveau détails. Il frappa la base du bâton contre le sol. L'onde sonore se propagea dans le canyon, l'écho s'atténuant chaque seconde, alors que deux magnifiques ailes de toile jaillirent des côtés du bâton. Aujourd'hui, Hài devait se rendre au Temple de l'Air Austral pour une affaire dont il était le seul à connaître les détails. Il leva une dernière fois les yeux vers le ciel d'azur, encore vide de tout nuage, et murmura en se caressant la barbe :
Quatre ouragans... Et il se jeta dans le vide.
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Invité le Ven 22 Juin 2012 21:27, édité 1 fois.