Ma mère souriait avant de retourner à ses emplettes. Hirano, lui, se chargeait de négocier les prix, comme à son habitude. Quant à moi, j'observais les alentours, jusqu'à poser mon regard sur un homme. Wan. Le vieux Wan.
Ma dernière rencontre avec cette homme me revint en tête. A cette époque, il cherchait une pastèque. Enfin, d'aussi loin que je me souvienne, il cherchait toujours une pastèque, et prenait toujours un melon à la place.
Je souriais tristement à mon tour. Le voir caresser ainsi un melon à la place d'une pastèque, c'était à la fois amusant et triste pour quiconque savait à quel point il désirait une pastèque. Mais le fait d'avoir été en exil aussi longtemps me rapprochait un peu plus de lui que ce que l'on pouvait imaginer, en fait. Lorsque j'étais dans le besoin, les nomades m'avaient tendu la main. Beaucoup de gens m'avaient tendu la main en fait. Ca me désolait de me rendre compte que durant toutes ces années, personne n'avait aidé le vieux Wan. Et dans mes voyages, même une simple aide, un simple sourire m'avait suffit à me redonner courage et espoir.
C'était peut être à mon tour de tendre la main en retour, d'aider quelqu'un dans le besoin. Aussi, je prenais quelques piécettes que j'avais gardé avec moi durant tout mon voyage, et que j'avais embarqué avec moi au marché (quel genre de bourgeois ne prendrait pas ne serait-ce que de quoi acheter quelque chose après tout?), et me dirigeait vers un marchant de fruit. Je voulais acheter une pastèque.
Si tout se passait bien, j'aurai ma pastèque, et j'irai la donner au vieux Wan immédiatement, en me mettant à sa hauteur, et en lui souriant.
-Monsieur Wan, me voilà de retour. Avec... Votre sainte pastèque!