J'avais enfin trouvé l'endroit idéal pour m'entraîner. Une plaine rocheuse qui s'étendait loin devant moi, sur ma droite, ma gauche, et derrière moi. J'étais au beau milieu de l'endroit parfait pour un entraînement à la maîtrise du feu. Mais ma situation était différente : je n'allais pas m'entraîner à la maîtrise du feu. J'allais me réconcilier avec elle. Ou plutôt, me réconcilier avec mon feu. Je savais qu'il était toujours là. J'en avais eu la preuve. Et je ressentais toujours sa présence. Oui. MON feu était toujours là.
Je regardais à droite et à gauche, un peu partout, pour être sûr d'être parfaitement seul, d'être sûr qu'il n'y ait pas un brin de végétation à l'horizon, pour être sûr de ne rien endommager. Et une fois que tout ceci était confirmé, je déposerai mon sac à mes pieds. Ma lame, quant à elle, restera à ma ceinture : je comptais redevenir ce que j'avais toujours aspiré à être. Un maître du feu. Un vrai. Et non pas un producteur de feu, ni un destructeur. Bien au contraire.
Je posais ma main sur ma lame. Elle me rappelait tout ce que je cherchais à protéger. Les gens innocents, les gens qui me sont chers... Eiva par exemple. Mia, Aymée, avec qui j'avais passé de courts instants, mais qui resteront à jamais gravé dans ma mémoire. En même temps, je ne pouvais pas oublier le petit bisou que Mia m'avait fait avant de partir... Et puis, d'autres personnes aussi. Bien qu'elles soient plus talentueuses que moi, je me sentais redevable. Et l'envie de les protéger m'habitait tout autant. Yoichi, en grande partie. Mon premier maître, qui avait forgé ma mentalité, et qui avait fait de moi ce que j'étais actuellement. Ma mère, qui refusait de se servir feu, et qui à première vue, pourrai sembler fragile... Et puis... mon père aussi. Aussi étonnant que cela puisse paraître...
Mais surtout, le contact de ma main sur ma lame me rappelait Eiva, les cours que je lui avais donné. Et ce que je lui avais dit : c'est parce qu'une lame est dangereuse qu'il faut apprendre à s'en servir. Et je lui avais appris comment ne pas blesser avec une lame. Toutes ces choses, elles s'appliquaient tout aussi bien à la maîtrise du feu. Seulement, de ce que j'avais vu, peu de gens y faisaient attention. Tandis que d'autres, au contraire, en avaient parfaitement conscience, et vivaient avec. Sauf que j'étais trop aveugle pour m'en rendre compte à l'époque et pendant les leçons d'Eiva...
Je souriais. Je l'avais dit au Sage Atô. Il me fallait tout remettre à plat, repartir aux origines. Et c'était ce que j'allais faire. Enfin, presque. Je ne pouvais pas repartir de zéro. Il me fallait garder en souvenir tout ce que j'avais vécu, toutes ces expériences. Elles faisaient partie de moi. Les renier ne servirai qu'à ajouter un blocage supplémentaire. Il me fallait accepter mes erreurs passées : ce qui était fait ne pouvait pas être changé. Et il était grand temps d'aller de l'avant, et d'apprendre de ses erreurs passées. Et ma plus grosse erreur, j'allais la corriger ici et maintenant. Je relâchais ma lame, regardait mes mains, et respirais un bon coup.
-Aller. Il est enfin temps qu'on fasse VRAIMENT connaissance toi et moi.
Oui, ma plus grosse erreur, c'était de n'avoir jamais connu, de n'avoir jamais appris à connaître mon feu, mes limites, et ce qu'il était possible ou non d'accomplir avec lui. Si je savais comment me servir de ma lame, c'est parce que j'avais ''fait connaissance'' avec elle. Que j'avais appris à la connaître, appris à savoir ce que je devais faire pour la maîtriser... Non. En fait, là encore je me trompais. Je ne maîtrisais pas ma lame. Je dansais avec. Chose que je n'avais jamais appris à faire avec mon feu à part avec ma mère. Et ne pas connaître ses armes, ses compagnons, c'était prendre le risque de ne pas savoir comment agir face à telle ou telle situation. Et à l'époque où j'étais au dojo du feu, je n'avais jamais agi comme cela, j'avais toujours produit du feu quand on me l'a demandé, sans jamais me poser de questions, sans jamais me demander à quoi cela servait. Tant que cela convenait à mes professeurs, je m'exécutais. Mais moi ? Est-ce que cela me convenait ? Ca, je ne me l'était jamais demandé jusqu'à mon voyage où j'avais brûlé les maisons d'un village. Toutes ces questions, je ne me les suis posé que trop tard, et c'était pour cela que j'avais perdu mon feu. Alors maintenant... Il était temps de connaître ce feu qui m'habitait, et de le comprendre, d'en faire un ami.
-Aller, montre moi ta vraie nature, montre moi à quel point tu peux détruire les choses ! MONTRE TOI !!!
Dans un mouvement qui ne comportait que de la brutalité, de la violence, de la haine, et qui se voulait destructeur, j'allais tenter de faire jaillir un flux de flamme le plus puissant possible. Mais l'image des maisons qui brûlait prit le dessus un peu avant, me bloquant à nouveau.
Tss... Je savais bien que ça n'allait pas venir tout seul.
Je soufflais un coup, avant de recommencer. Pour le même résultat : la vision des maisons reprenait le dessus. Je m'acharnais, encore et encore, pour des résultats identiques. Passé une heure à rater, et à hurler dans le vent, je m'asseyais, et prenait ma lame en main, pour respirer un peu. Toutes les images qui m'avaient marqué pendant ces dernières années me revenaient petit à petit, ce qui me fit sourire. Au final, j'en avais parcouru du chemin. Et je ne m'en étais jamais plaint, je n'avais jamais été bloqué jusqu'à mon Agni Kai.
-Qu'est ce qu'elle disait déjà, Hirai Sensei..? Ah oui. ''Assume''.
Je me levais à nouveau, avec la vision de Yukari Sensei en tête. Je m'étais sûrement trompé sur son compte. Même si elle ne portait pas de culotte, elle devait connaître parfaitement ses limites, et savoir jusqu'où elle pouvait aller. A tous les coups, elle avait volontairement fait brûler les étendards pendant mon Agni Kai contre elle, pour m'effrayer, me remettre à ma place. Encore une de ses leçons violente et marquante, que je n'avais pas vu venir. Encore. Ce qui me déclencha mon deuxième fou rire contre moi même.
-Halala. Faudra aussi que je lui présente des excuses à elle. Elle refusera sûrement de me reprendre pour élève, mais ce n'est pas grave. J'aurai au moins reconnu mes torts face à elle... Héhé...
C'est donc en riant que je reprenais mon combat interne, pour faire jaillir mon feu. Je m’étais fait la réflexion plus tôt. Je n’avais jamais dansé avec du feu, à part avec ma mère. Je souriais. J'étais... Moi même. J’entamais une danse. Non. Pas vraiment. Un mélange entre une danse et un kata d’art martial. Pour un danseur, cela ressemblerait à une danse bestiale. Pour un artiste martial, cela ressemblerai plus à un kata mal maîtrisé. Pour moi, c’était mon identité : un soldat ayant reçu une initiation à la danse, et qui décidait enfin d’assumer ces deux identités.
-MOOOONTRE TOOOOIIIIIIIIII !!!! QU'ON APPRENNE A SE CONNAÎTRE UN PEU !!!! TU VEUX PLUS COHABITER AVEC MOI ?! A MOINS QUE CE NE SOIT TOI LE PEUREUX CETTE FOIS ?! MONTRE TOI !!!! PARTENAIRE DE DANSE!
Je hurlais, le sourire aux lèvres, à l'intention de mon feu. J'avais la ferme intention de voir jusqu'à quel point il pouvait être puissant. Si je ne connaissais pas le potentiel de mon feu, je ne pourrais jamais ô grand JAMAIS savoir mes limites, ni savoir jusqu'à où m'imposer des limites quant à mon utilisation du feu. C'est pour cela qu'il me fallait impérativement qu'il se décide à sortir. Qu'il accepte mes excuses, et surtout, qu'il accepte de devenir mon partenaire de danse.