La Cité du Pôle Nord

[Shan]

Il ne me faut pas longtemps pour cataloguer cette cliente et lui coller l'étiquette "bavarde stupide qui ne sait rien de la vie". Mais en tant que bon professionnel, je lui souris calmement et coupe tout élan à la conversation de manière diplomatique :

- J'ai une cousine, fille de l'eau qui vit là-bas depuis toujours. J'espère qu'elle va bien, mais le travail me permet de ne pas y penser. M'aiderez-vous donc très chère ? En quoi puis-je vous aider votre fils et vous ?

Lui qui a fait tombé mon modèle reçoit un regard gentil, je ne suis pas du genre à m'en prendre pour un enfant, je ramasse donc le mannequin en grommelant et attrape l'enfant pour le faire asseoir sur le comptoir. Mon assistante arrive et s'occupe du bambin, pendant que je regarde la mère. Je le vois à sa tête, elle va se remettre à parler, il faut que je la stoppe, immédiatement, sinon je vais y passer la journée et je n'ai pas que ça à faire. Un commerçant qui parle est un commerçant qui ne travaille pas et le temps c'est de l'argent, surtout pour moi.

- Laissez-moi voir votre magnifique teint. Je ne veux pas de rouge pour vous, venez par ici, voyez cette magnifique draperie d'un bleu océan, elle fait ressortir la couleur de vos yeux.

Je ne lui laisse pas le temps que je l'emmène déjà vers les doublure en peau de lapin, les plus douces et soyeuses que j'ai en stock. Je la traîne cette fois vers les fils, certains sont plus épais pour donner un aspect rustique que certains apprécient particulièrement, alors que d'autres sont bien plus fins et discret. Je me retourne vers elle après lui avoir donné plusieurs info et j'espère l'avoir assez assomée pour qu'elle deviennent bavarde à propos de choses qui m'intéresse à savoir : qu'est qu'elle peut bien vouloir histoire que je me mette enfin au boulot ?

[Ermite des vagues]

La cliente écouta d'une oreille sourde les commentaires du tailleur concernant sa cousine. Elle n'était pas venue là pour l'écouter mais pour acheter, à sa grande honte, des vêtements capables de cacher sa récente prise de poids. Elle avait trop aimé la cuisine d'Hosho, et se sentait serrée comme une sardine dans ses vêtements. Heureusement, le tailleur n'avait pas remarqué, et il la flattait même. Elle se sentit rougir, alors qu'il lui présentait une très belle pièce d'un beau bleu.

-Vous pourriez faire une robe avec cette étoffe ? Quelque chose d'assez...ample ?

Elle jeta un bref regard à son fils toujours assis sur le comptoir. L'assistance avait su l'amadouer. Il était calme maintenant.

[Shan]

Je me redressais avec un regard étonné et regardais la femme devant moi. Le déclic se fit dans ma tête, elle voulait cacher quelque chose, son ventre ou ses cuisses, peut-être était-elle enceinte et ne voulait-elle pas l'annoncer ? Ne pouvant être sûr de cette hypothèse, je me refusais à de quelconques félicitations. Cependant, cacher le corps de mes clientes n'est pas dans mes habitudes et je secoue la tête avec un petit sourire.

- Si je puis me permettre, vous n'avez pas besoin de quelque chose d'ample madame. Du moins, pas entièrement. Vous cacher serait une honte, il serait préférable d'attirer le regard ailleurs ne pensez-vous pas ? Dites-moi quelle partie de vous ne vous satisfait pas, je trouverais comment attirer le regard ailleurs.

Après tout, elle a un visage plutôt joli. Bien sûr, on voit qu'elle n'est plus une enfant, mais ce qui fait la beauté d'une femme tient plutôt de son sourire pour moi. Les femmes ont toujours ces peurs étranges d'homme qui veulent des poupées de cires. C'et pour certains, mais d'autres préfèrent d'avantages un sourire, une grimace ou un sentiment qu'il ne perçoivent qu'avec cette personne.

- Vous avez des yeux magnifiques, je pense qu'il sera facile d'attirer le regard vers eux. Qu'en dites-vous ?

Je jette un bref coup d'oeil vers le petit garçon qui joue tranquillement avec mon assistante, il n'y a pas à dire, cette femme sait y faire avec les enfants. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'elle doit gérer des enfants dans la boutique, peut-être devrais-je penser à ajouter une sorte de garderie plutôt que de me reposer tout le temps sur elle ou sur mon épouse. Je reporte mon attention vers ma cliente et prend l'étoffe dont elle m'a parlé et l'invite à me suivre dans la pièce de change où je pourrais prendre ses mesures et discuter avec elle de ce qu'elle ne veut plus voir attirer l'attention.

Ensuite, je pourrais peut-être enfin reprendre mes recherches dans cette idée que j'ai eu un peu plu tôt. Il semblerait qu'il y ait eu un sacré chaos à Hosho, je me demande s'il serait possible de faire en sorte qu'un tissu prenne moins facilement feu. C'est peut-être idiot, mais j'ignore si une guerre est à prévoir et deux précautions valent mieux qu'une.

[Ermite des vagues]

La cliente affichait une mine ravie. Le tailleur savait vraiment y faire. Elle ne regrettait pas d'avoir suivi le conseil de son amie, et d'être venue ici. Elle se mit même à rougir quand il lui parla de ses yeux.

-Vous me flattez, monsieur ! Mais vous avez certainement raison, c'est votre métier après tout.

Conquise donc, elle le suivit, et le laissa prendre ses mesures. Elle lui glissa alors qu'elle trouvait son ventre disgracieux, et ses hanches trop épaisses, appuyant encore sur le fait que c'était cela qu'elle voulait cacher.

-Dans combien de jours pensez-vous finir ma robe ? Et... combien vos services vont-ils me coûter ? , ajouta t-elle.

Que le tailleur se rassure, cela se voyait qu'elle ne manquait pas d'argent, les vêtements qu'elle portait sur elle étaient de très bonnes factures après tout.

[Shan]

Je souris à ma cliente et lui présente le dessin de la robe que j'imagine, cintrée sous la poitrine et légèrement évasée vers le bas afin de caché tout ce qui peut être considéré comme disgracieux. Je garde quelques centimètres de large et propose à ma cliente d'ajouter un voile par dessus le tissus qui permettrait de draper tout cela de manière élégante. Je ne sais pas exactement si c'est effectivement une tenue élégante qu'elle cherche, mais je la vois mal dans une tenue grossière pour effectuer une quelconque tâche ardue.

D'autant qu'elle n'aurait pas pris ce merveilleux tissu pour une tâche ingrate, cela aurait été une insulte au vu de la douceur et du raffinement dont il fait preuve. Lorsque la question du prix vient sur le tapis, je fais un rapide calcul, prenant en compte les mesures, le tissu, la main d'oeuvre et l'étole en peau de lapin qui sera fournie avec la robe pour passer d'une robe simple à une robe de soirée. J'explique rapidement à ma cliente que le second tissus sera détachable grâce à deux petit bouton nacré discret afin d'avoir comme deux robes en une seule. Quand je lui annonce le total, je me retiens de me mordre l'intérieur de la joue en attendant la réponse. J'ai déjà vu des clients fuir devant le prix. J'en ai vu d'autres marchander également, ce sont sans doute les pires quand on a faim.

- Je pense que nous pourrions effectuer tout ça pour dans 3 jours. Quant au prix... Il s'élèverait à 250 Yuans.

Je reste le plus professionnel possible même si je me rend compte que les trois prochain repas de fille dépendent de cette vente. L'idée de faire deux robes en une est originale et elle me coûte bien peu cher et puis la cliente possède deux robes pour le prix d'une à peu près. Cela devrait la satisfaire, il faut qu'elle trouve ce marché satisfaisant, sinon je perds une cliente et ma réputation se joue.

Je songe rapidement que je pourrais lui offrir les éventuelles retouches, mais je m'imagine mal faire du bénévolat. De toute façon, je fournis toujours un travail aussi abouti que possible et j'ai rarement eu des plaintes pour ce que je remets. Oh bien sûr c'est arrivé une fois où j'avais mal pris les mesures, quand j'étais encore tout jeune tailleur, quand ma cliente est entrée dans la robe, cette dernière a complètement craqué et explosé.

[Ermite des vagues]

La cliente réfléchit quelques secondes, un moment qui allait paraître long aux yeux du tailleur. Mais un sourire en coin, elle sortit une bourse de son manteau. Elle tira dessus, et en sortit plusieurs billets. Le tailleur n'allait pas avoir besoin de la convaincre, et elle ne voulait même pas marchander, elle était tout simplement conquise. Si bien qu'elle rajouta 20 yuans au prix.

-Voilà pour vous alors. Cette robe va être magnifique, et mon mari va sûrement l'apprécier !

Elle se tourna alors vers son fils, qui jouait encore avec l'employée du tailleur.

-Tu viens mon trésor ? Ton père doit nous attendre.

Elle reprit donc son fils et après avoir remercié encore Shan, et son employée, elle quitta la boutique.

[Shan]

270 Yuans. Je sais que les vêtements féminins ont toujours été un peu plus cher que ceux pour homme puisque certaines coutures et surpiqûres demandent plus de mains d'oeuvre. Il me faut du temps pour réaliser que ça représente à peu près un mois de nourriture pour nous trois, un mois pendant lequel ma fille va pouvoir manger correctement. J'ai acheté tous les tissus dont j'ai besoin, je ne manque pas de matériel, je peux donc considérer cet argent comme de la nourriture n'est-ce pas ? Il ne m'en faut pas plus pour sortir de l'arrière-boutique et passer derrière ma jolie assistante que j'embrasse sur le front.

J'ai toujours aimé ma femme, je l'aime de tout mon coeur sachez-le, c'est simplement que mon assistante est avec moi très souvent. Et donc, une forme de complicité s'est installée, ce n'est pas comme deux amants, ni comme un père et sa fille. Peut-être comme une soeur. Mais ses grands yeux bleus plein de compassion et d'amour me font parfois douter de la force de mon amour pour ma femme et puis je pense à elle et je fonds littéralement. Je suppose que je la trouve simplement jolie et que parfois, je me souviens de ma vingtaine où les filles étaient toutes pareilles. Mon tendre amour n'était pas plus important à ce moment-là, il est sans doute normal que, de temps à autre, je me sente une envie de liberté.

- C'est une belle journée il semblerait. Je vais dans mon atelier, il faut que je travaille sur une idée. J'aimerais bien un maître du feu pour la tester, mais on en a pas sous la main n'est-ce pas !

Je lui fais un clin d'oeil et retourne dans mon antre, attrapant plusieurs chutes de tissus sur lesquels je vais tester mes idées. J'asperge le premier d'eau et y met le feu, il met du temps à prendre feu et c'est assez facile à stopper en rajoutant de l'eau, mais les maîtres de l'eau en guerre ne pourraient pas attaquer et maintenir un taux d'humidité suffisant pour ne pas prendre feu en même temps. De plus, rester mouillé trop longtemps risquait de les faire tomber malade et ce n'était pas la meilleure solution.

Peu être un tissu résistant mieux au feu que le simple coton. Le cuir est plus résistant, mais la chaleur passe quand même à travers et le cuir conserve cette chaleur. C'est peut-être très pratique au pôle nord quand il fait froid, mais dans un pays chaud, où on risque de croiser des ennemis, ça l'est moins. Il fallait que je trouve quelque chose de différent, peut-être un cuir soigné, assouplit avec de la graisse régulièrement. Ce serait tout un entretient, mais c'était toujours possible à réaliser. Il fallait au moins que j'essaie ça, même si ce genre de produit ne se vend pas dans l'optique d'une guerre, il peut toujours se vendre dans une optique de précaution à l'emploi.

[Ermite des vagues]

Et un peu plus tard, un soldat entra dans la boutique du tailleur. Première fois qu'il y entrait d'ailleurs

-Bonjour ! C'est bien ici la boutique du dénommé Shan, tailleur de son état ?

Le soldat parlait avec sérieux. Il aimait bien user de son autorité, vis-à-vis de son métier. Mais là, le coup des rubans pour le bison, ça allait lui faire perdre toute crédibilité de toute façon. Donc, il se lança, et expliqua la raison de sa venue, et là, ça se voyait que ça le faisait chier, un petit peu quand même.

-Un moine aurait besoin de rubans, ou de chutes de tissus, si vous avez ça en stock. C'est pour son bison.

Il ajouta presque aussitôt :

-Et c'est pas une blague. Croyez-moi. Donc si vous voulez bien me suivre jusqu'à la caserne avec vos bouts de tissu, ça m'arrangerait bien. Sinon, je sens que la princesse va en faire voir de toutes les couleurs à mes collègues !

[Shan]

Il y a quelque chose qui rend toujours un tailleur fier, c'est quand on vient chez lui et précisément chez lui pour obtenir ce qu'on veut. D'abord, c'est un gage de reconnaissance puisqu'on connaît la boutique, ensuite on y voit le gage de qualité, on vient dans cette boutique précisément parce qu'on sait que le tailleur est capable de vous fournir ce que vous voulez. Il y a également autre chose qui peut rendre un tailleur très fier, c'est quand son rêve un peu fou se réalise. Et là précisément, c'est le mien qui se réalise, j'ai un soldat dans ma boutique et qui me demande moi. Une fois la surprise de voir ce gars planté là, je redeviens le professionnel que je suis et je me présente comme le patron de la boutique. Mais ça, c'est sans compter la deuxième surprise qui m'annonce qui est mon client...

- Un... bison ?

Je hausse un sourcil, mais juger ce que font les gens n'est pas mon métier. Je réfléchis un moment, je sais que les bisons sont de gros animaux, mais c'est à peu tout ce que je sais d'eux. Je n'en ai même jamais vu alors c'est assez difficile de savoir quelle taille de chute je dois prendre. Je regarde le soldat qui semble excédé de cette mission et hoche rapidement la tête en le prévenant que j'en ai pour quelques minutes. Je prends le premier sac qui me passe sous la main et j'y fourre le nécessaire de couture ainsi que plusieurs ruban de couleur et retourne vers le garde.

- En avant, plus vite nous y serons, plus vite vous pourrez retourner à vos occupations. Je doute que vous occuper d'un bison soit la chose la plus excitante que vous ayez à faire.



Je vais là-bas

[Flamme]

Flamme (54) Sel et chaleur

*Le bison nommé Tashiik survolait la ville depuis un moment et de micro-histoires s'entrelaçaient dans ce micro-monde qu'était l'espace sur son dos. La caserne était bien loin maintenant, le sol aussi.
Malgré tout le soin qu'avait inconsciemment tenté Flamme pour l'éviter, Lyanna venait de lâcher prise et avait éclaté en larmes à seulement quelques mètres des autres passagers : le conducteur, le tailleur, le garde du corps royal et la princesse. Flamme pour sa part tentait de se dégager de l'étreinte en gesticulant.

-Pourquoi tu la préfères à moi ? Parce qu'elle pleure ?

Elle pleure ?!

*Yuuna se mit à bouder, ce qui n'allait pas faire venir Flamme, insensible à ce genre de chantage. Le garde du corps choisit de désamorcer la situation.*

-Regardez princesse ! Comment tout parait petit d'en haut !

*Ce qui marcha, mais Flamme n'en avait cure, l'enfant trouvait Yuuna égoïste, comme si Flamme avait pour devoir de rester exclusivement avec elle.
Pas le temps de s'énerver contre Yuuna, les larmes de Lyanna mettait l'enfant bien plus mal à l'aise.*

-Ah c'est le vent ça, quand j'disais qu'il f'sait froid.

*Flamme plaça ses mains entre la serveuse et le vagabond et produisit un courant chaud, de petites flammèches timides visibles entre ses doigts. Flamme modula une chaleur modeste, juste ce qu'il fallait. Sa maîtrise n'avait jamais été expansive, contrairement à sa personnalité.*

[Hrp/je suis nulle en réconfort, je ne sais pas si ça va la faire pleurer davantage mais je vais tenter/hrp]