-Entendu.
La jeune fille s'assit en tailleur et mangea plus sereinement. Puis, après avoir bu longuement bu une tisane brûlante, elle se réinstalla dans son lit.
-Je m'appelle Xiao Mei, je viens du Royaume de la Terre, d'un petit village côtier près de l'ïle de Kyoshi. Nous vivons de la pêche et des quelques cultures que nous pouvons extraire de la terre nourricière. Nous vivions en paix. Mais tout cela changea. On entendait des rumeurs au gré des passages de bateaux marchands, colportant des histoires de villages vidés de leurs habitants. Disparus, sans laisser de traces.
Et un jour, ou plutôt une nuit, nous avons disparus. Je m'étais endormie dans mon lit, dans ma maison. Je me réveillais enchaînée à fond de cale parmi les femmes de mon village. On avait séparé les femmes et les hommes d'un grillage mais nous étions tous là, terrifiés et perdus. J'entendais au-dessus de ma tête les pas des hommes d'équipage, les ordres criés, le craquement de la coque, le clapotis de l'eau contre elle. Je me souviens plus que tout du regard terrifié de ma petite soeur, blottie contre ma mère. Mon père et mon frère aîné était de l'autre côté avec tous les villageois. Nous ne savions pas comment nous nous étions retrouvés ici mais nous ne souhaitions qu'une chose : retourner chez nous.
Elle ne s'en rendait pas compte mais des larmes coulait sur son visage.
- J'eus le loisir d'apprendre qui était nos ravisseurs. Des pirates, qui se nomment eux-mêmes le Ruban Rouge. Couleur qu'ils portent autant pour effrayer que pour prévenir les tâches de sang, dit-on. Rapidement, nous avons été débarqué à terre. Et quelle terre. Blanche, froide, désolée, déserte. Sans espoir de retour chez nous. Les hommes furent débarqués dans les mines, de ce que je les ai entendu dire. Les plus jeunes et les plus beaux, dont mon frère, accompagnèrent les femmes pour être vendus comme du bétail. On m'a lavé et habillé richement, les vierges sont vendues beaucoup plus chères. Surtout celles ayant des caractéristiques peu communes, comme mes cheveux dorés et mes yeux bleus.
Elle essuya vivement ses larmes d'un revers de poing.
-C'est là que mon frère est intervenu. Profitant de l'inattention de la garde, il me donna des haillons subtilisés, moins beaux mais plus chauds et nous nous faufilâmes jusqu'à atteindre l'extérieur par je ne sais quel miracle. Les esprits soient loués, personne ne remarqua notre fuite. Personne sauf lui.
Elle se mit à trembler.
-Le Commandant Rouge. Je ne l'avais jamais vu mais j'ai su que c'était lui lorsqu'il a braqué ses yeux glacials sur moi. Mon frère s'interposa et voulut le frapper mais il le maîtrisa comme s'il n'avait été qu'une poupée de chiffons. Xiao Cùn hurla, m'ordonnant de fuir, de courir. Et c'est ce que j'ai fait. Ils m'ont poursuivie pendant un moment avant d'abandonner la poursuite. Instinctivement, je sus que c'était parce qu'ils estimaient que j'allais vers une mort certaine. Et ce n'est pas moi qui leur aurais donné tort.
Sauf vous.