La Cité du Pôle Nord

[Flamme]

Flamme (70) Faire le mur (à partir de 10 ans)

Si Flamme avait autant de bon sens que d'astuce, les mots du cuisinier ne lui seraient pas ressortis par une oreille. « Suicidaire », c'était un peu le cas, il suffirait d'un garde zélé qui ne savait pas se contrôler face à un intrus, même de la taille d'un nain. Sortir en douce du palais, c'était facile, entrer dans la caserne serait une autre paire de manche.

Flamme s'arrêta à plusieurs mètres de la porte pour manger ses sucreries et laisser le temps à ses yeux de s'habituer à la lumière des lampes-torches et aux noirs des ombres. C'était à cet instant que l'enfant, autrefois en vadrouille, prenait conscience de tout le confort de ces derniers jours : toute la lumière et la chaleur qu'on souhaite et aucun étranger autour de soi. C'était bon de revenir à une ambiance plus excitante.

Il faisait quand même vachement plus froid qu'à l'archipel volcanique.

Flamme s'activa et gagna les plus grandes rues où les passants du soir déambulaient. C'est à ce moment-là que Flamme se rappela quels vêtements étaient sur son dos. Bon, pas grave, ce sont des vêtements locaux, c'est parfait. Flamme sut quelle aptitude adopter pour paraître le plus anodin possible. Rien qu'une silhouette dans la rue. Du pas ferme de qui sait où il va, l'enfant des rues se rendit à la grande place puis vers la caserne, comptant sur son sens de l'orientation et des souvenirs de son escapade.

[Ermite des vagues]

Et la chance sourit à Flamme. Bien que des soldats patrouillaient, aucun ne semble s'intéresser à la petite silhouette parcourant la cité. Ce n'était qu'un enfant après tout ! Et Flamme réussit même à se repérer et retrouver le chemin menant jusqu'à la caserne. Mais là, la chance l'abandonnera peut-être, entrer dans la caserne sera plus délicat, à moins qu'un garde plus compréhensible qu'un autre accepte qu'elle rende visite à Lyanna ? Sauf si l'enfant avait une autre idée derrière la tête bien sûr !

[Ermite des vagues]

La journée était bien entamée quand les gardes royaux parvinrent aux abords de la Cité du Pôle Nord. Tous avaient l'air exténués et la mine sombre. Sur deux de leurs traîneaux, reposaient leurs fardeaux, recouverts de fourrures et dissimulés à la vue.

Et ils purent constater que la funeste nouvelle avait bien été apporté jusque dans les murs de la Cité. Le garde envoyé en messager les avait précédé de quelques heures, et cela avait suffit pour que tous l'apprennent.

La porte devant eux était déjà ouverte, et ils avaient l'impression que tous les habitants étaient venus. Yorko Kharstak les attendaient. Il envoya d'autres gardes, pour les remplacer et les décharger de ce poids qui pesait sur eux. Mais ils refusèrent, estimant que c'étaient à eux de conduire les dépouilles jusqu'au Palais.

Malgré la foule nombreuse, ce fut sous un silence pesant qu'ils avancèrent. Sur leur passage, nombreux furent les habitants à s'incliner devant les traîneaux. Et péniblement et avec lenteur, ils arrivèrent au bas des marches menant au Palais de l'Eau.

Si les gardes royaux tâchaient de rester digne, voir en bas de ces marches, les enfants de Toruuk Hakan, les ébranla, et raviva leur culpabilité. D'autant qu'aucun des trois ne pleuraient, même pas la jeune princesse, bien que son petit menton tremblait de temps en temps. Elle tenait la main de son frère, Kenaï. Lequel s'efforçait de remplir le rôle qui était maintenant sien, bien qu'il n'ait pas encore été formellement désigné chef du Pôle Nord. Eiki se tenait un peu en retrait, son regard fixant les traîneaux.

Le plus haut gradé de ces gardes, le capitaine Koddak, fit face au jeune Kenaï. Là, genoux à terre, et sous les regards de tous, il déclara au jeune homme :

-Nous avons failli à notre serment, nous ne sommes plus dignes d'être vos gardes royaux.

Il détacha l'insigne qu'il avait reçu en intégrant la garde royale, et le brisa. Un geste répété par les autres gardes ayant accompagné le chef du Pôle Nord et Azran Yulak dans leur partie de chasse. Aucun ne s'était concerté pourtant.

[Kenaï Hakan]

Kenaï lança un regard perdu et désemparé vers Yorko Kharstak, et le reste du Conseil. Il ne savait vraiment pas comment réagir. Et tout le monde le regardait en plus. La gorge serrée, et tremblant, il se demandait ce que son père aurait voulu qu'il fasse.

Son père. Il osa un bref regard vers les traîneaux, et se sentit pâlir. Les secondes passaient, et il était toujours muet, alors que le capitaine était toujours à genoux devant lui.

-Relevez-vous, s'il vous plait.

La voix de Kenaï Hakan manquait d'assurance. Elle était plus un murmure qu'autre chose. Et le capitaine avait à peine entendu ce qu'il venait de lui dire.

-Chef Hakan ?

Kenaï se surprit à chercher son père. Mais il n'était plus qu'un corps froid et inerte maintenant. Il allait devoir s'y faire, il n'avait guère le choix.

-Relevez-vous !, répéta t-il avec un peu plus de force et de conviction.

Il attendit d'être obéi, pour poursuivre.

-Jusqu'au bout, vous avez veillé sur lui et l'avez protégé. Des loups les ont tué, vous n'êtes pas responsable.

Cela, il le savait de la bouche du chef de guerre. Il n'avait pu lire le message, mais Yorko Kharstak lui avait donné assez de détails. Assez de détails pour savoir comment son père était mort. Assez de détails pour savoir ce qui l'attendait sous les fourrures. Kenaï avait éprouvé de la colère contre l'imprudence de son père, et il ne pouvait charger ces gardes royaux de la mort du chef du Pôle Nord. Il n'en voulait vraiment qu'à son père. Qui les avait abandonné, juste pour une idiote partie de chasse !

Il retrouva son calme et regarda les autres gardes royaux.

-Vous servirez le prochain chef du Pôle Nord. Parce que vous êtes des gardes royaux, les protecteurs du Pôle Nord.

La foule, silencieuse, commença à scander son nom, à l'appeler Chef Hakan à son tour. Kenaï n'éprouva rien d'autre alors qu'une profonde lassitude. Les prochains jours, les prochains mois risquaient d'être éprouvant pour lui.

[Aguétiel]

*Avant d'entrer dans la Cité, Yukan trouve finalement le courage de se relever du traîneau du cartographe. Il chancèle un peu sur ses jambes mais parvient malgré tout à maintenir son équilibre. Il replace ses longs cheveux roux qui lui tombent dans les yeux avant de s'adresser à Iorek.*

-Je ne compte pas m'attarder. Une nuit ici et je repars pour le Temple Austral à la première heure demain.

*Il s'incline devant Iorek.*

-Merci pour tout. Je n'oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi et mon peuple.

[Ermite des vagues]

Le cartographe écouta le jeune moine d'une oreille, grommelant simplement qu'il n'avait fait qu'obéir aux ordres qu'on lui avait donné. Son attention était déjà dirigée vers la cité, et l'ambiance norme qui s'en dégageait ce jour là. Il y avait peu de gens dans les rues, et l'emblème du Pôle Nord, qu'affichaient certaines demeures, était en berne.

Iorek jura, avant de s'adresser au moine :

-J'ai l’impression que ta vision s'est réalisé gamin...

La voix du cartographe était las. Et son regard envers le moine presque froid. Il ne lui en voulait pas pourtant.

-Si jamais tu recroises l'un de ses esprits, bottes-lui les fesses de ma part !

Là, il y avait de la colère. Puis, il s'assura que le moine avait bien pris les fleurs avec lui. Il ne voulait pas traîner non plus.

-Si tu réussis à soigner les moines avec ça, y'aura au moins une bonne chose qui ressortira de ce voyage.

Il fit ses adieux à Yukan, et le laissa là, alors que lui se dirigeait le plus vite qu'il le pouvait, vu la fatigue de Brââm, vers la caserne.

[Aguétiel]

*Yukan salue une dernière fois le cartographe, avec l'espoir secret que quelqu'un d'autre que le Chef Hakan est mort.

Prenant le sac de fleurs et ses propres affaires, il se rend au Palais Royal.*

[Conseiller du Feu]

RPI

*Un navire approche du port de la Capitale du Pôle Nord. A son bord surchargé se trouvent des dizaines de Fils de l'Eau hagards mais heureux de revoir se dresser face à eux la formidable muraille de glace barrant la baie de la Cité.

Les rescapés des émeutes de la Capitale de la Nation du Feu rentrent chez eux.*

[Ermite des vagues]

C'est sous un soleil haut, mais froid qu'arriva ce navire. Sa provenance ne laissant pas de doute, au vue du pavillon, les maîtres de l'eau préposés aux Portes lui avaient ouvert rapidement la voie, et le navire fut guidé jusqu'à l'un des quais.

Aux abords de ce quai, la foule commençait à se rassembler. L'arrivée soudaine, et rapide, de Kenaï, le chef du Pôle Nord, et des membres du Conseil, les avaient attiré. Mais surtout, des personnes reconnurent certaines de personnes se tenant sur le pont du navire. Des visages se fermèrent, assez grave, alors que d'autres laissaient éclater leur joie.

Rapidement, les soldats encadrèrent tout ce monde, pour les contenir, et laisser les passagers descendre. Le visage du chef du Pôle Nord était tendu, surtout depuis qu'il avait aperçu dans la foule, des membres de la famille Noji. Ils affichaient déjà leur deuil, Kenaï avait veillé à les prévenir personnellement. Et il n'avait guère apprécié cela.

[Conseiller du Feu]

*Les personnes à bord avaient été prévenues que quelques dignitaires importants étaient morts dans l'attaque de l'Ambassade que leurs corps devraient être débarqués en premier avant qu'ils ne puissent descendre. Les soldats à bord du navire descendent donc dans les cabines où les corps avaient été déposés durant le voyage. Le premier à débarquer sur le quai, porté par six hommes, est Azaruk Noji. Il est signalé par son serre-tête en métal posé sur sa poitrine. Les passagers font silence tandis que les corps débarquent les uns après les autres et sont présentés sur le quai pour recevoir l'hommage du Chef du Pôle.*